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146 Portraits d’un aquarelliste virtuose à Tanger PORTFOLIO Josep Tapiró Il est de ces artistes reconnus par leurs contemporains que le temps, capricieux, a fait sombrer dans l’oubli avant de les projeter à nouveau sur le devant de la scène, pour le plus grand plaisir de ceux qui ont ainsi l’opportunité de les découvrir. Le peintre orientaliste catalan Josep Tapiró (Reus, 1836 – Tanger, 1913) est de ceux-là. De son vivant, il connut un rayonnement international incontestable. Formé à Barcelone à l’Escola de Llotja, il s’installa plusieurs années à Rome, exposa régulièrement à Londres – où il comptait de très nombreux clients – et remporta de prestigieux prix au long de sa carrière, dont une médaille à l’Exposition Universelle de Paris de 1889 et, en 1893, la seule médaille décernée à la World’s Columbian Exhibition de Chicago. Et pourtant, le nom de Tapiró s’est perdu, et ce même dans sa terre d’origine, avant d’être remis à l’honneur ce printemps grâce à une exposition monographique au Museu Nacional d’Art de Catalunya de Barcelone, engagé dans une politique de valorisation d’artistes catalans représentés dans son fonds. Conçu par l’historien de l’art Jordi À. Carbonell, cet hommage a ouvert ses portes au lendemain du centenaire de la mort de l’artiste. Révélé ainsi au grand public, Tapiró s’impose comme l’auteur d’une oeuvre incontournable, caractérisée par une Par Elena Martínez-Jacquet maîtrise hors-norme d’une technique picturale des plus complexes, l’aquarelle, mise au service de la description minutieuse de la société traditionnelle nord-africaine et plus particulièrement de celle de Tanger. Le peintre découvrit cette ville en 1871 avec ses amis Bernardo Ferrándiz et Marià Fortuny (ce dernier étant également peintre) où il fut le premier artiste de la péninsule ibérique à s’établir en 1877 et où il vécut jusqu’à sa mort. La proximité physique et émotionnelle de Tapiró avec les sujets qui nourrissent ses peintures tangéroises – il compta parmi ses amis des musulmans distingués et des membres de la communauté juive locale, et parvint à se faufiler dans des cérémonies religieuses auxquelles aucun occidental n’avait pu assister auparavant – tout comme son intérêt pour les théories positivistes d’Auguste Comte imprégnèrent ses créations, des portraits pour la plupart, de beaux accents de vérité. En effet, loin de se poser comme un représentant de plus du courant orientaliste, Tapiró fuit l’exotisme ainsi que la vision fantasmée du Maghreb que véhiculent nombre de récits de voyageurs et d’oeuvres littéraires de l’époque, pour se livrer à une observation quasi scientifique de ce monde qui l’entoure. Truffés de détails, ses portraits de jeunes mariées superbement parées, de musiciens ambulants, de chamanes, de penseurs mendiants et de modestes domestiques offrent une image de la société aussi pittoresque que proche de la réalité. Découvrir les réalisations tangéroises de Josep Tapiró est une invitation à se plonger dans un univers à la croisée entre l’art et l’ethnologie, à emboîter le pas à un aquarelliste virtuose qui regardait le monde avec les yeux curieux et avides de comprendre l’autre qui caractérisent habituellement l’anthropologue. Une expérience esthétique qui nourrit notre soif de comprendre le monde. Josep Tapiró, pintor de Tànger (Josep Tapiró, peintre de Tanger) 17 avril – 14 septembre 2014 Museu Nacional d’Art de Catalunya, Barcelone Catalogue disponible. Auteur : Jordi À. Carbonell. Ed. Museu Nacional de Catalunya - Universitat Rovira i Virgili. FIG. 1 : Josep Tapiró avec le peintre Josep Llovera et un ami dans son atelier de Tanger en 1892. Photographe inconnu. Collection privée. FIG. 2 (À DROITE) : Beauté tangéroise. Vers 1891. Aquarelle sur papier. Dahesh Museum of Art, New York.


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