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HISTOIRE d’objet Sur la piste d’Eugène de Girardin : Une peau peinte sioux inédite acquise par le musée du quai Branly « La guerre semble être leur seul plaisir et leurs discours tournent le plus souvent autour de cette question. À peine un groupe de guerriers est-il rentré qu’un autre se met en route. Les chevaux sont le principal butin qu’ils prennent à leurs ennemis (…) Ils éprouvent un grand plaisir à raconter leurs aventures militaires et ils décrivent alors chaque détail du combat d’une manière si vivante qu’ils donnent l’impression de se battre de nouveau. » Ces propos tenus en 1800 au sujet des Indiens Piegans par Alexander Henry de la Compagnie des fourrures du Nord-Ouest peuvent être généralisés à l’ensemble 140 des tribus des plaines des États-Unis et du Canada. Le fait est que l’Indien des Plaines était belliqueux, non pas de nature, mais parce que l’ensemble de son système culturel, social et économique, né de l’arrivée des Européens sur le continent, l’exigeait. L’apparition du cheval, puis la diffusion des armes à feu et des biens de consommation liés au commerce des fourrures allait créer une culture souvent qualifiée « d’improbable » mais prestigieuse, basée sur l’exploit guerrier qui permettra au jeune homme d’acquérir la notoriété et le prestige indispensables à son ascension sociale au sein de son clan et de sa tribu. La nature de ces exploits devant être connue de tous était diffusée au sein du groupe par divers moyens, dont la narration orale devant témoins, et illustrée sur un support pouvant être vu par tous, en l’occurrence une peau de bison portée comme une cape et/ou exposée à l’intérieur du tepee de son détenteur. Ces peaux peintes décorées de scènes de chasse, de combats et de vols de chevaux à l’ennemi susciteront très vite l’intérêt des voyageurs européens au point qu’elles figureront en bonne place, à partir de la fin du XVIIIe siècle, dans les cabinets de curiosités de la noblesse européenne. Une peau sioux des années 1850 La peau peinte étudiée ci-après, et qui appartient à cette catégorie, est inédite et a été acquise par le musée du quai Branly en 2012.1 Cette peau de bison américain (Bison Par André Delpuech et Michel Petit bison), débarrassée de ses poils, mesure 2,10 mètres de long pour une largeur de 1,68 mètre. Elle est décorée en son milieu et longitudinalement d’une bande de peau rapportée ornée d’une broderie en piquants de porc épic teints à décor géométrique (motifs en brun, orange et rouge sur fond blanc). Les deux registres ainsi délimités par cette bande centrale montrent des cavaliers armés et des chevaux se dirigeant de la droite vers la gauche, indiquant ainsi le sens de la lecture. Les personnages sont représentés selon la technique dite stick-figure que l’on pourrait traduire par « style bonhomme fil de fer ». La silhouette est délinéée de noir et remplie de couleurs en aplats. Le buste est vu de face, les bras étendus et légèrement fléchis de part et d’autre du corps dans une position rappelant celle de « l’orant ». La tête est ronde et les traits du visage ne sont pas représentés ou à peine esquissés. Seule la jambe située sur le flanc visible du cheval est dessinée vue de profil. La gamme chromatique utilisée est restreinte au noir, brun, jaune et à une gamme de rouges d’intensité variable. Un rouge beaucoup plus vif est utilisé par petites touches. Une analyse des pigments utilisés par spectroscopie Raman montre qu’il s’agit de pigments naturels d’origine minérale appartenant à la famille des ocres (oxyde de fer) pour les premiers et de vermillon pour le dernier (pigment de synthèse d’origine chinoise ou européenne). Seize des guerriers représentés ont leurs cheveux ramenés en une sorte de chignon au-dessus du front, type de coiffure qui en matière de représentation pictographique désigne en général les Sioux. Quatre autres personnages portent leurs cheveux libres ou tressés à l’arrière de la tête. Certains sont vêtus de redingotes militaires de type européen, d’autres de chemises en peau frangées ou non. Enfin trois portent des couvertures à la manière de capes. Plusieurs ornements de tête sont reconnaissables, comme un pendant de cheveux ornés de disques en métal, une coiffe « soleil »


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