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94 FIG. 5 : Tabua. Dent de baleine d’ornement attachée à un fil de coir tressé et bouclé avec des bandes de feuille de Pandanus. L : 20 cm (sans le fil). Collectée par Anatole von Hügel 1875-1877. Photographie de Jocelyne Dudding. © MAA Z 3023. invisible de face. Les plastrons étaient améliorés en associant des plaques d’ivoire et de nacre de coquillage (civavonovono). La collection de Gordon renferme un exemplaire magnifique, qui appartenait à l’origine à Tanoa Visawaga, le Vunivalu (chef de guerre) de la puissante chefferie fidjienne de Bau (fig. 8). Tanoa fut dessiné portant ce plastron en 1840 par Alfred Agate, membre de l’expédition Wilkes (Clunie 1983). Il est probable que la parure ait été transmise au fils de Tanoa, Cakobau, qui devint l’autoproclamé Tui Viti (roi des Fidji) en 1871, avant d’être présentée à Gordon. Un autre ornement exceptionnel, et probablement unique, est un splendide collier en ivoire de baleine comportant huit figures de forme humaine parsemées de neuf pendentifs (fig. 9). Son origine exacte est inconnue, mais la composition inhabituelle et le poids de l’ivoire laissent penser qu’il s’agissait d’un objet extrêmement prisé. La figure centrale, légèrement plus grande et plus arrondie que les autres, porte une bande autour du front, référence possible aux bandeaux portés par les prêtres et les chefs, ornée des plumes rouges de l’oiseau kula. Si des objets précis de la collection de Gordon sont remarquables, la taille et l’ampleur des collections assemblées à la Maison du gouvernement, en particulier le matériel correctement documenté collectionné par von Hügel lors de ses incursions à l’intérieur de Viti Levu (Roth et Hooper 1990), constituent une ressource inestimable à des fins d’analyse historique anthropologique et artistique. Chefs & Gouverneurs comprend une installation qui évoque l’atmosphère de la salle à manger de la Maison du gouvernement, avec les murs ornés d’objets fidjiens récoltés par les résidents de la demeure (fig. 10). Parmi d’autres objets exposés figurent une sélection de lances finement sculptées aux attaches complexes, une série de bols à yaqona et une jupe de chef (liku) confectionnée à partir de fibres d’hibiscus séchées (fig. 11). Situé près de la fin de l’exposition, un présentoir spécial contient une petite sélection d’objets du MAA, agencés de manière typologique : paniers, appuie-tête, vaisselle de prêtre et poterie (fig. 12). De manière générale, l’exposition est organisée en zones thématiques superposées, avec une narration chronologique sous-jacente – depuis les mouvements des insulaires en Podieu principal de Nadi, et conservée dans une maison des esprits où l’on prétendait qu’elle parlait d’une voix aiguë et exigeait des offrandes. À la suite de l’avènement du christianisme, la statue de la déesse fut ensevelie sous un poteau dans la maison des esprits. En 1876, elle fut acquise par Ratu Tevita Madigibuli, un membre de l’Armed Native Constabulary, qui la présenta au gouverneur Gordon. Cette figure était très appréciée de Gordon et demeura dans sa famille jusqu’en 1955, date à laquelle elle fut léguée au MAA. Le foisonnement et la variété des objets de parure et des somptueuses décorations créés à partir de l’ivoire de baleine démontraient le mana des chefs fidjiens et leur capacité à obtenir des pièces de grande valeur, mais aussi à contrôler la production d’artisans spécialisés. Les Fidjiens ne chassaient pas la baleine ; l’approvisionnement local se limitait donc aux occasionnels cétacés échoués, complété par du troc avec les îles Tonga et, à partir du début du XIXe siècle, avec des négociants américains et européens. Le tabua, une parure en dents de baleine, typiquement attachée à un fil de coir (fibre de coco) ou de pandanus, est encore aujourd’hui l’objet précieux le plus important aux îles Fidji (Hooper 2013 a, b). Historiquement, la dent était grattée et souvent façonnée en forme de croissant avant d’être huilée et fumée (fig. 5). Les colliers en dents de baleine constituaient des objets très prisés à travers toute la Polynésie occidentale. Ils pouvaient prendre plusieurs formes : dents légèrement modifiées attachées à une cordelette de fibre (sisi), ou colliers composés de multiples dents fendues et sculptées (waseisei), avec de nettes variations en matière de taille et de courbure (fig. 6). Les constructeurs de canoës et les charpentiers samoans et tongans s’installaient dans diverses régions côtières de l’est des Fidji, où ils travaillaient pour les chefs locaux. Ils mettaient leurs compétences au service des chefs, façonnant des ornements dans de l’ivoire de baleine (Hooper 2006 : 242). De nouvelles formes de plastrons variés furent développées au début du XIXe siècle. Certains (civatabua) étaient faits de plaques en dents de baleine finement poncées, soigneusement assemblées grâce à une technique de bordage sophistiquée (fig. 7). Un système complexe de minuscules trous obliques et appariés permettait le ferme assemblage des plaques au moyen d’une couture extrêmement fine, souvent


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