D’Hawaï à la Nouvelle-Guinée, à New York Par Eric Kjellgren, Evelyn A. J. Hall et John A. Friede, conservateurs associés pour l’art d’Océanie La collection de Nelson Rockefeller des arts d’Afrique, d’Océanie 88 et des Amériques commença avec une oeuvre océanienne – un bol hawaïen qu’il acheta à Hawaï lors d’un voyage de lune de miel autour du monde en 1930. En se rappelant cette acquisition, des années plus tard, il repensa au charme immédiat et à la passion éternelle qu’elle suscita : « Je n’ai pas pu y résister », écrivit-il, « et je retire encore une grande satisfaction de la forme du bol, du grain du bois, et de la patine douce et chaleureuse, née de plusieurs siècles d’attention passionnée. » Plus tard au cours de ce voyage, il acheta trois autres objets alors qu’il traversait l’Indonésie. Bien qu’il eût sans aucun doute vu ce type d’oeuvres dans l’exposition déterminante de René d’Harnoncourt Arts des mers du Sud au Museum of Modern Art en 1946, pendant la majeure partie des années 1930 et 1940, Rockefeller se concentra presque exclusivement sur les arts des Amériques. En 1949, Rockefeller recommença à acheter des objets d’Océanie, dont une parure de cheveux magistralement exécutée par le peuple Biwat de Nouvelle-Guinée (fig. 13). Composante d’une tenue vestimentaire portée lors de danses et de cérémonies religieuses, elle constitue le témoignage par excellence de l’une des traditions les plus rares et et les plus prisées dans le domaine de la sculpture sur bois mélanésienne et demeure une oeuvre indispensable à la présentation par le Metropolitan des arts de Nouvelle-Guinée. Rockefeller continua à enrichir la collection d’oeuvres océaniennes : en 1953, juste avant la fondation du MPA, il acheta une extraordinaire statuette extrêmement rare provenant de Mangareva (fig. 14), qui conféra, pratiquement à elle seule, une importance internationale à sa collection océanienne. Dans la foulée de la création du MPA en 1954, la collection océanienne de Rockefeller prit rapidement de l’ampleur jusqu’en 1957. Favorisée par la nomination de Douglas Newton comme conservateur adjoint en 1957, la clairvoyance de Goldwater et de d’Harnoncourt, bénéficiant du soutien financier de Rockefeller, permit l’acquisition d’un grand nombre des chefs-d’oeuvre océaniens les plus remarquables du MPA, dont une figure en ivoire des Tonga en 1957 (fig. 15). Représentant probablement une puissante divinité féminine, cette figure faisait office de récipient surnaturel abritant la divinité durant des cérémonies. Elle constitue l’un des quelque douze exemplaires connus et son expressivité comme son sens du mouvement la rendent supérieure aux autres objets du genre. Elle demeure l’une des oeuvres les plus emblématiques de la collection océanienne du Metropolitan. Dans les années 1960, le MPA se mit à acheter des objets directement dans leur pays d’origine, notamment la célèbre col- FIG. 13 : Parure de cheveux, manyan. Peuple Biwat, fleuve Yuat, région du bas-Sepik, Papouasie-Nouvelle- Guinée. Fin XIXe– début XXe. Bois, peinture, fibre. H : 40,3 cm. Collection hommage à Michael C. Rockefeller, legs de Nelson A. Rockefeller, 1979. 1979.206.1458. lection d’art asmat rassemblée par le fils de Rockefeller, Michael C. Rockefeller. En 1961, Michael Rockefeller se rendit à deux reprises dans la région asmat de Nouvelle-Guinée, se procurant plus de six cents oeuvres et documentant minutieusement et photographiant l’art, les artistes et les pratiques culturelles asmat avant sa mort tragique le 18 novembre de cette même année. L’année suivante, le MPA organisa l’exposition L’art des Asmat, Nouvelle-Guinée : collectionné par Michael C. Rockefeller qui présentait la collection aux côtés d’une sélection de ses photographies. Montée dans un pavillon spécialement érigé à cette fin dans le jardin du Museum of Modern Art, l’installation fut conçue dans le but d’évoquer l’environnement d’origine des oeuvres (fig. 16). Elle fut suivie en 1967 par la publication des Asmat de Nouvelle-Guinée : le journal de Michael Clark Rockefeller, ouvrage qui contenait une grande quantité de ses photos et de ses écrits, ainsi que d’un catalogue richement illustré des oeuvres. Newton collectionna également des objets en Nouvelle-Guinée, principalement dans la région du fleuve Sepik, et fit un certain nombre d’acquisitions importantes, notamment un groupe d’anciennes figures en bois créées par le peuple Inyai- Ewa vivant sur le cours supérieur du Korewori, une tradition que l’Occident venait de découvrir lorsqu’il les acheta en 1964 (fig. 17). À New York, le MPA continua d’acquérir des oeuvres océaniennes sur le marché de l’art. Lorsque les collections du musée, en compagnie des oeuvres que Rockefeller possédait toujours à titre privé, furent transférées au Metropolitan en 1978 et 1979, la collection océanienne comptait près de mille cinq cents objets. Aujourd’hui, bon nombre des oeuvres océaniennes du MPA exposées dans l’aile Michael C. Rockefeller ont conservé leur statut d’icône au sein de la collection océanienne du Metropolitan – un hommage éternel à la vision de Nelson Rockefeller envers les arts d’Afrique, d’Océanie et des Amériques, ainsi qu’à la passion de Michael Rockefeller pour l’art asmat. Art précolombien, le commencement Par Julie Jones, conservatrice émérite Les aventures de Nelson Rockefeller en Amérique latine et le début de son intérêt pour l’Amérique précolombienne ont commencé avec un voyage au Mexique en 1933, lorsqu’il parcourut le pays, visitant des vestiges mayas et « étudiant sa vie culturelle ». Trois ans plus tard, il se rendit en Amérique du Sud, d’abord au Venezuela, dans le cadre de l’entreprise familiale, puis au Pérou, où son « incroyable richesse archéologique stimula son imagination et son intérêt ».1 Là-bas, il fit la connaissance du célèbre archéologue péruvien Julio C. Tello, qui, à l’époque, étudiait la disposition de centaines de ballots contenant des momies provenant de l’importante nécropole de la péninsule de Paracas dans le sud du Pérou. Rockefeller MUSÉE à la Une
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