83 FIG. 3 : Masque pendentif de la reine mère, Iyoba. Peuples Edo, cour du Bénin, Nigeria. XVIe siècle. Ivoire, fer, cuivre (?). H : 23,8 cm. Collection hommage à Michael C. Rockefeller, don de Nelson A. Rockefeller, 1972. 1978.412.323. d’Afrique. En 1930, année où il obtint son diplôme au Darmouth College, Rockefeller devint membre du conseil d’administration du Metropolitan Museum of Art (MMA). Le manque d’intérêt du Metropolitan pour l’art d’avantgarde avait entraîné la fondation du MoMA l’année précédente. Rockefeller recommanda donc au Metropolitan de s’investir dans un courant artistique également absent des collections du musée, l’art précolombien, même si ses efforts de lobbying furent contrecarrés par le directeur Herbert Winlock. Soutenu par René d’Harnoncourt, Rockefeller continua son projet visant à créer une organisation culturelle dédiée aux traditions artistiques absentes des galeries du MMA. L’étendue de ce « salon des refusés » muséologique était vaste, abritant un éventail varié de traditions artistiques non occidentales distinctes sur le plan culturel. Dans sa charte originale de 1954, ce lieu innovant fut nommé musée de l’Art indigène. Situé en ville, dans une demeure jouxtant la maison d’enfance de Rockefeller juste en face du MoMA, au 15 de la 54e Rue Ouest, il fut finalement rebaptisé Museum of Primitive Art (MPA) (fig. 1). Pendant plus de vingt ans, le MPA rassembla une collection majeure d’art d’Afrique, d’Océanie et des Amériques (AAOA). Le cofondateur et président d’Harnoncourt conseilla à Rockefeller de persévérer dans cette voie et d’engager l’historien de l’art Robert Goldwater comme directeur. Goldwater pilota un vaste programme d’expositions déterminantes qui présentaient ces traditions au monde de l’art. Avant sa mort en 1968, d’Harnoncourt supervisa les négociations d’un accord avec le directeur du MMA Thomas Hoving portant sur la création d’un département dédié à l’AAOA qui devait abriter les possessions du MPA et les objets personnels de Rockefeller. L’accord fut annoncé en 1969 (fig. 2). Lorsque le MPA ferma ses portes en décembre 1974, 3 500 oeuvres d’art ainsi que sa bibliothèque et son personnel furent transférés vers le MMA. Rockefeller décéda avant la création de l’aile Michael C. Rockefeller, bâtie en mémoire de son fils, et inaugurée en 1982. Soixante ans après la fondation du MPA, la vision de Rockefeller – selon laquelle l’art d’Afrique, d’Océanie et des Amériques devait tenir un rôle clé au Metropolitan – a permis à une institution qu’il jugeait fondamentale de mener à bien sa mission. Tout au long de sa vie, Rockefeller voua une passion à la collection d’art issu de nombreux domaines. Il était particulièrement attiré par la sculpture en tant que moyen d’expression et déclara un jour : « C’est sa force qui m’intéresse, sa vitalité, le fait qu’on puisse la toucher. » Sa collection d’art moderne était très vaste, mais extrêmement personnalisée. En revanche, sa méthode pour rassembler des objets d’art d’Afrique, d’Océanie et des Amériques était systématique et professionnelle, et dès le départ les objets furent considérés comme des oeuvres d’art. La mise en avant de la qualité esthétique constituait le critère institutionnel qui définissait le MPA. Le conservateur Douglas Newton observa que, au contraire d’autres musées de l’époque privilégiant des critères ethnologiques ou anthropologiques pour leurs collections, « nous recherchons la qualité au sein de chaque élément – le meilleur de tout ». Dès 1957, Goldwater fit parvenir à Rockefeller un flot régulier de notes soigneusement pensées relatives à des objets dont il recommandait l’acquisition. Avant d’envoyer ces motifs formels d’acquisition, il les passait en revue avec d’Harnoncourt. L’une des notes les plus complètes contenait une proposition datée du 31 décembre 1957, relative à l’achat du masque-pendentif en ivoire provenant de la cour du Bénin et qui figure parmi les plus célèbres chefs-d’oeuvre du MMA (fig. 3). Dans son exposé, Goldwater insistait sur la supériorité de ce masque par rapport à l’autre exemplaire connu se trouvant au British Museum : « J’estime que ce masque surpasse l’autre sur le plan du raffinement de sa fabrication et de la pénétration de l’expression. C’est par conséquent le meilleur objet connu du genre, et on n’en trouvera jamais aucun autre. » Il pensait que ce masque transformerait considérablement la collection du MPA et il le compara à l’une des oeuvres les plus identifiables de la collection du MoMA à l’époque, un tableau d’Henri Rousseau : « L’achat de ce masque conférerait au musée un attrait permanent et primordial – un chef-d’oeuvre populaire. Il s’agit d’un objet qui « doit être vu » tant par les spécialistes, les passionnés d’art, que par le public. Comme René l’a suggéré, c’est le genre d’objet qui devrait … être exposé en permanence ; il serait la Bohémienne endormie de l’art primitif. » Le 17 septembre 1958, le New York Times annonça la présentation par le MPA du masque-pendentif du Bénin acheté par Rockefeller à un prix record. Pour Goldwater, cette acquisition particulière permit de « cristalliser une politique ». Dorénavant, la mission du MPA consisterait à être « un musée articulé autour de galeries d’expositions permanentes dans lesquelles de remarquables chefs-d’oeuvre seraient continuellement accessibles au public, et d’autres galeries proposant des expositions variables ». L’année suivante, le 2 novembre 1959, Goldwater écrivit à Rockefeller pour l’informer qu’ils allaient recevoir l’opportunité de choisir des oeuvres intéressantes dans la collection « légendaire » du sculpteur Sir Jacob Epstein avant leur dispersion lors de ventes aux enchères. Il donna la priorité à une seule oeuvre d’une extrême importance : la tête fang provenant d’un ensemble de reliquaires, connue comme « Le grand Byéri » (fig. 4). Goldwater souligna le fait que cette oeuvre célèbre était devenue au cours du dernier quart du siècle passé « un symbole
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