144 ART+Loi La vente de masques hopi organisée par l’étude Néret-Minet Tessier & Sarrou à l’hôtel Drouot le 12 avril 2013 Un sacrilège ou un geste criminel? Ou la simple et juste application du droit français? FIG. 1 (en haut) : masquecasque de Käna-Kwe Mosona. Zuñi, Nouveau- Mexique. C. 1890. © Antoine Mercié/Dan Graphiste. FIG. 2 (en bas à droite) : les Kachinas masqués (« Faiseurs de pluie ») des Indiens Hopis, Village de Shonghopavi, Arizona. 1908. Carte stéréoscopique par Works Studio, Arlington et Westwood, NJ. Publié par Underwood and Underwood. Collection de vues stéréoscopiques de Robert N. Dennis, New York Public Library, image ID 649744. FIG. 3 (à droite au centre) : cérémonie, grappe de maisons en adobe du groupe Soyoko, spectateurs sur terrasses. Par James Mooney, Walpi Pueblo, First Mesa, Arizona, février 1893. Négatif sur verre à la gélatine. 20,3 x 25,4 cm. Archives anthropologiques nationales, Smithsonian Institution, BAE GN 01824c 06312900. Par Yves-Bernard Debie Il flottait sur Paris en ce début de printemps 2013 comme un curieux parfum de fondamentalisme religieux. Habilement médiatisée, la vente de soixante-dix masques hopi dits katchinas organisée le 12 avril 2013 à l’hôtel Drouot a donné lieu à un débat qui, faute de fondement juridique soutenant la thèse des « anti », s’est concentré sur des notions telles que la morale, la religion, le sacré, le respect des croyances et même, lorsqu’on y porte atteinte, sur la notion de sacrilège. La position de ceux qui entendaient voir suspendre et, pourquoi pas, interdire cette vente « sacrilège » est parfaitement résumée dans la lettre de soutien adressée à l’association Survival International France, par l’acteur américain Robert Redford : « To auction these would be, in my opinion, a sacrilege, a criminal gesture that contains grave moral repercussions. I would hope that these sacred items can be returned to the Hopi tribe where they belong. They are not for auction. » « Procéder à cette vente serait, selon moi, un sacrilège, un acte criminel qui implique de graves répercutions morales. Je souhaite que ces objets sacrés soient retournés à leurs légitimes propriétaires, les Hopi. Ils ne sont pas à vendre. » C’est sur ces fondements moraux, plus que sur tout argument de droit, que l’association de défense des peuples indigènes, Survival International France, qui bénéficiait donc du soutien de Robert Redford, mais aussi du département d’État américain, de l’ambassadeur des États-Unis à Paris, Charles Rivkin, et de deux musées américains, le Museum of Northern Arizona et le Heard Museum, a saisi le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris afin d’obtenir la suspension de ladite vente publique. L’équation soumise au magistrat était simple : la tribu des Hopi forte de dix-huit mille membres vivant en Arizona, et dont les rites religieux ancestraux sont toujours pratiqués avec ferveur, ne considère pas les masques litigieux comme de « simples » oeuvres d’art premier, expressions de leur culture, mais comme des êtres vivants dans lesquels se sont incarnés des esprits, les Kachinas, qui participent à leurs cérémonies sacrées. Ces masques sont donc tout à la fois des objets sacrés utilisés pour la pratique d’un culte, mais aussi
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