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ART+Science FIG. 9 : Courbe de calibration post-bombes (bleue) et intervalle de dates calibrées (pic gris). Âge radiocarbone : après 1954. Dates calibrées : 1963-1964 - probabilité de 95,4 %. Questions et réponses Le carbone 14 ne sert à rien dans l'art tribal ! Faux. D'une part, le carbone 14 permet de différencier de façon absolue les objets fabriqués avec des matériaux ayant vécu avant ou après 1954. D'autre part, il est très performant pour les anciennes cultures telles que les Dogon, Tellem, Djenneké… Enfin, les multiples intervalles de dates identifient la période la plus probable. Les conditions de conservation d'un objet modifient la datation (sédiments, grotte, eau). Absolument pas, car on date la mort de l'individu, et par définition, la mort marque l'arrêt des échanges avec l'environnement. La quantité de carbone 14 diminue donc sans relation avec son milieu. Un passage au scanner ou une irradiation intentionnelle change la date carbone 14. Pas du tout. L'organisme est mort, on ne peut donc pas le « recharger en carbone 14 ». On ne peut pas non plus enlever du carbone 14, pour le vieillir artificiellement. Pour un bois, un ivoire, un textile et un papier du même âge, lequel donnera la meilleure précision de datation ? Il n'y a pas de différence. Ces matériaux ont intégré la même quantité de carbone 14 et sa désintégration est équivalente quel que soit le milieu. La datation de l'ivoire nécessite juste un prélèvement plus important, car on date le collagène qui ne représente que 10 à 20 % de la masse (échantillon d'au moins 200 milligrammes). La patine d'un bois (sang, mil, huile, oeuf…) peut-elle être datée par carbone 14 ? Dans l'absolu oui, car il s'agit de matériaux organiques. Mais le résultat ne sera pas rigoureux. Car ces produits ont pu être appliqués à différentes époques. La datation obtenue serait donc la moyenne de plusieurs périodes que l'on ne peut pas distinguer. L'étude de la composition des patines peut, par contre, apporter des informations techniques intéressantes. Un échantillon prélevé au centre d'un masque ou d'une statue et un autre prélevé sur le bord auront-ils des datations différentes ? Oui. C'est l'une des limites de la méthode. Il y a dans la majorité des cas une différence entre la mort du coeur de l'arbre (le duramen) et l'abattage de l'arbre (cinquante à cent ans en général). On parle de l'effet « vieux bois ». C'est pourquoi nous prélevons toujours des échantillons dans les parties extérieures des objets, afin de dater l'événement le plus proche de la fabrication de l'objet. DES ANCIENS RÉCENTS Il est important de rappeler que le carbone 14 date la mort de l'organisme et non la mise en forme de l'objet. C'est pourquoi on peut imaginer un objet sculpté récemment avec du bois coupé il y a deux cents ou trois cents ans. Toutefois, il faudra que la date du matériau soit conforme au style de l'objet. Par exemple, cette copie fabriquée avec de l'ivoire de mammouth conservé dans le permafrost (sol continuellement gelé) et datant de trente-cinq mille ans. Ou encore, la copie d'une statue égyptienne de Basse Époque fabriquée dans un bois du XVe siècle de notre ère. Étonnant ! LA PLACE DE LA SCIENCE La datation carbone 14 a constitué et constitue toujours une avancée primordiale pour l'archéologie et l'histoire de l'art. Elle est devenue au fil du temps un outil majeur du marché de l'art. Comme nous le confiait dernièrement Bernard Dulon : « Le carbone 14 est tout à fait adapté à la détection des faux et en particulier dans l'art tribal. » Elle apporte des données objectives à l'étude d'un objet, comme peuvent le faire la thermoluminescence pour la terre cuite ou la microanalyse pour le métal. Mais ces « tests » scientifiques ne sauraient remplacer l'approche historique et stylistique des oeuvres. Ils doivent être considérés comme des aides à la prise de décision, comme des limiteurs de risques, comme des actions connexes à l'achat. BIBLIOGRAPHIE E.C. Anderson, W.F. Libby, S. Weinhouse, A.F. Reid, A.D. Kirschenbaum, A.V. Grosse, 1947, « Radiocarbon from cosmic radiation », Science 105 : 576-577. W.F. Libby, 1955, Radiocarbon dating. 2nd Ed, University of Chicago Press, Chicago. G. Marlowe, 1980, « W.F. Libby and the archaeologists, 1946-1948 », Radiocarbon, XXII / 3, p.1005-1014. R.E. Taylor, 1987, Radiocarbon dating: an archaeological perspective, Academic Press, London, chap. 6. M. Stuiver et al., 1998, CALIB rev 4.3 (Data set 2), Radiocarbon, vol. 40, p. 1041-1083. G. Marlowe, 1999, « Year one: radiocarbon dating and American archaeology, 1947-1948 », American Antiquity, LXIV / 1, p. 9-32. A.J.T. Jull, 2003, Radiocarbon, vol. 46, 18th conference, Wellington. P. Craddock, 2009, « Scientific investigation of copies, fakes and forgeries », Butterworth-Heinemann, Oxford, 628 p.


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