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DOSSIER nent aisément les motifs décoratifs basiques, de nombreux groupes conservent jalousement de vieux tapis abîmés afin de pouvoir reproduire des motifs tressés complexes. Chez certains groupes, comme les Ot Danum et les Ngaju, les tresseuses accomplies 132 créent délibérément, pour leur propre utilisation ou celle de leurs filles, des tapis « échantillons » qui font office de catalogues pratiques reprenant des motifs et dessins (Klokke, 2012). De tels tapis peuvent comporter des motifs locaux ainsi que des motifs « importés ». Lorsqu’aucun échantillon d’un motif donné ne subsiste dans une communauté, celui-ci est « perdu ». Les villageois ont souvent affirmé ne plus être en mesure de créer un motif, car le dernier échantillon avait été jeté ou donné. Certains tapis décorés présentent un échantillonnage de motifs, bien qu’il semble que cela ne soit pas systématique, comme chez les Iban – qui apprécient visiblement de conserver des échantillons de motifs sacrés (Heppell 2009) – et chez quelques groupes nomades. Les amateurs de sculpture sur bois issue des cultures de l’arrière pays de Bornéo trouveront peu de points communs artistiques avec les motifs et dessins qui apparaissent sur les tapis décorés. Les styles – à savoir, la manière dont un artefact est réalisé – dépendent fortement de la technique et peu des groupes de Bornéo, si ceux-ci font preuve de constance en matière de styles et ce, dans toutes les techniques. En outre, à l’instar de toutes les caractéristiques culturelles, les styles fluctuent en permanence et « leur trajectoire est déterminée par l’histoire culturelle générale des gens » (Boas, 1995). Motif, nom et signification Les éléments décoratifs des tapis et d’autres objets tressés sont généralement nommés d’après des éléments qui se trouvent dans l’environnement naturel. La signification de ces noms est, toutefois, une question difficile. On retrouve la même complexité dans la relation entre le motif et le nom, ou entre le nom et une éventuelle valeur culturelle ou symbolique qui se cacherait derrière. Les contraintes qu’exercent les techniques sur le tressage (Dunsmore, 2012) ont entraîné l’apparition – probablement de manière indépendante dans des régions variées – d’un certain nombre de motifs simples et basiques (à savoir, des éléments décoratifs distincts) comme l’oeil de la colombe (mata punai) et le crochet (kait), que l’on rencontre partout à Bornéo (et même au-delà) sous le même nom. Les dessins complexes (définis ici comme une accumulation de motifs combinés) constituent un sujet plus délicat, car il est souvent impossible de savoir avec certitude si la présence d’un même dessin dans des régions éloignées et apparemment sans rapport les unes avec les autres est le fruit d’une innovation indépendante ou d’une diffusion historique. On trouve des tapis comportant des dessins très similaires chez les Iban du Nord-Ouest (Sellato, 2012) et chez le FIG. 17 (à gauche) : Tapis comprenant deux panneaux longitudinaux ornés de dessins et une bande centrale à chevrons. Punan, Kalimantan. 166 x 92 cm. Collection J. B. Spurr. Photo : D. Bonstrom. FIG. 18 (en bas) : Tapis avec des motifs du torse visuellement agencés afin de former une étoile ou un octogone. Punan ou Bukat. 232 x 122 cm. Collection J. B. Spurr. Photo : D. Bonstrom. FIG. 19 (en haut à droite) : Tapis destiné à dormir ou s’asseoir avec des rangées parallèles de motifs, notamment un être céleste. Les motifs sont répétés sur chaque rangée à l’exception du centre, qui sert d’échantillon. Ot Danum. 193 x 103 cm. Collection J. B. Spurr. Photo : D. Bonstrom.


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