118 nien. Il ne fait pas de sculpture. Les collectionner lui donne déjà le sentiment d’une création artistique, cela « stimulait ma perception plastique, écrit-il. Je tirais le même plaisir d’un objet collectionné que si je l’avais fait moi-même. Après m’être défait de ma collection, je me mis à sculpter. Je le fis pour assouvir mon sens esthétique. » 15 Comme Nolde, Brignoni est un collectionneur passionné, conduit par un besoin quasi physique. Il aime cela plus encore que manger, boire ou faire l’amour. Pour lui, collectionner, c’est « une excitation procurée par un objet qui peut rendre un homme insomniaque, parce ce qu’il se couche en y pensant et ce n’est qu’une fois l’objet acheté qu’il peut se détendre, et puis tout recommence avec un autre ». 16 Brignoni a une vision très singulière de la relation entre l’artisan de la tribu et son audience – qu’elle soit indigène ou bien étrangère. Et bien que datées et eurocentrées, cela vaut la peine de les considérer dans le contexte de ses propres croyances. « L’artiste de la tribu a le devoir de sculpter pour sa communauté. Il travaille à servir sa religion. Il ne produit pas d’art pour l’art et il n’a aucun ressenti pour un art sophistiqué. Il réalise ses sculptures en obéissant aux règles de sculpture propres à sa tradition. C’est nous qui percevons la beauté de ces choses. Eux ne s’en aperçoivent pas. Ils ne le voient pas. Nous, nous y voyons la perfection artistique. Nous ne nous intéressons pas à un objet en ce qu’il est la représentation d’un certain esprit. Je l’ai parce que c’est une belle sculpture, bien modelée, bien proportionnée, avec de bons contrastes, puissante ; la sculpture nous procure un sentiment de contentement esthétique. » 17 Une autre remarquable collection de l’archipel Bismarck constituée à peu près à la même période que celle de Brignoni, au milieu du XXe siècle, est celle de Ernst Heinrich. (fig. 20) Il commence sa vie de collectionneur par l’acquisition de fossiles et autres trouvailles préhistoriques de la région du sudouest de l’Allemagne, le Bade-Wurtemberg. 18 Ses premiers objets d’art tribal sont principalement des armes qui lui sont données par son beau-frère, un officier de l’armée coloniale basé en Afrique orientale allemande. Dans les années 1920, il commence à acheter des objets africains et, peu de temps après, des objets océaniens. En 1929, il rencontre Herman Seeger, autre collectionneur de Stuttgart, dans une vente aux enchères locale de lances africaines. Lors de la vente, ils décident de ne pas enchérir l’un contre l’autre, se partagent le lot et ainsi débute l’amitié d’une vie. Dès 1930, il achète des sculptures africaines à de grands FIG. 18 : Figure Burbur de Nouvelle-Bretagne. H. : 146 cm. Serge Brignoni, Lugano ; Van Bussel, Amsterdam ; Patricia Withofs, Londres ; Bill Evans, Sydney.
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