MUSÉE à la Une mocratique du Congo. À cette époque, l’iconographie et les formes chrétiennes étaient fréquemment utilisées dans l’art et les rituels. Sur cette croix, Jésus est représenté comme un Africain. Au-dessus de lui, on remarque trois petites figures aux mains jointes. Leur signification est assez vague. Elles pourraient représenter la Sainte-Trinité, trois apôtres, les âmes des défunts s’élevant vers les cieux, ou simplement des personnages en train de prier.34 Sous Jésus se trouve une quatrième figure communément interprétée comme la Madone, 88 se couvrant avec les bras et les mains. Le crucifix fut envoyé de Bruxelles à l’Exposition universelle missionnaire par les pères rédemptoristes du Bas-Congo. Les ethnologues de la Société missionnaire du Verbe-Divin du début du XXe siècle Le père Martin Gusinde, membre de la Société missionnaire catholique du Verbe-Divin, fut l’un des premiers ethnologues à travailler pour les collections du Vatican.35 Entre 1918 et 1924, il se rendit à quatre reprises en Terre de Feu à l’extrême sud du continent sud-américain afin d’étudier les Yamana (Yagan / Yaghan), les Selknam et les Kawesqan. Il produisit de nombreux écrits sur les Yamana et d’autres peuples indigènes de cette région et rapporta le masque envoûtant présenté dans l’exposition du de Young (fig. 17), ainsi que quatre autres masques, au pape Pie XI en 1927. Gusinde illustra le masque dans un ouvrage sur ses expéditions en Terre de Feu entre 1918 et 1924, publié en 1937 par l’Anthropos Institute à Sankt Augustin, en Allemagne. 36 Celui-ci était porté durant la kina, une cérémonie d’initiation masculine, renforçant les rôles au sein de la société. 37 Les hommes préparaient des masques en peau de phoque ou en écorce peints, dans une structure construite pour l’occasion, et recouvraient leur corps de peinture. Ils apparaissaient tels des esprits, brandissant des bâtons peints et décorés pour menacer les femmes et les non initiés. Gusinde prit près un millier de photos afin de documenter la culture Yamana. Beaucoup d’entre elles se rapportent à une cérémonie kina célébrée en 1922, dans laquelle il était à la fois observateur et participant. En 2012, le père Mapelli rencontra Cristina Calderón, une descendante yamana. Son livre Hai Kur Mamashu Shis (Je veux vous raconter une histoire) de 2005 contient des récits sur le peuple yamana et ses pratiques culturelles. Elle y explique que son arrière-grandpère, Javier Calderón, était l’auteur du masque.38 Une pièce similaire fut collectée pour le musée des Amérindiens, Fondation Heye, par l’archéologue et photographe Samuel Kirkland Lothrop en 1924.39 Dans son livre, The Indians of Tierra Del Fuego, Lothrop écrivit que la cérémonie kina « tomba en désuétude chez les Yaghan dès les années 1880, mais qu’elle connut un regain de popularité en 1922 au bénéfice de Gusinde et du père Wilhelm Koppers ».40 Ce dernier, qui était également anthropologue, accompagna Gusinde lors de sa troisième expédition en Terre de Feu.41 Le père Franz Kirschbaum était un autre missionnaire de la Société du Verbe-Divin et exerça une grande influence sur l’anthropologie et dans le domaine de la collecte sur le terrain en Papouasie Nouvelle-Guinée. Il établit une base de missionnaires à Marienberg dans le cours inférieur du fleuve Sepik et achemina de vastes collections vers le Vatican. Parmi ces objets, se trouve une figure ancestrale de la région des lacs Murik (fig. 18), qui conserve sa peinture faciale, sa jupe et ses bandes aux genoux. Elle fait partie du nombre stupéfiant d’objets de Nouvelle-Guinée issus de cette source présents dans la collection du musée. Les nouvelles interprétations de la collection historique du Vatican nous permettent de faire évoluer le regard que nous projetons à travers notre « fenêtre sur le monde » et d’apprécier autrement ces oeuvres d’art religieux.42 Pour le Vatican, ces objets de croyance ont joué pendant des siècles le rôle de témoins des efforts du Saint-Siège. Dans ce contexte, leurs histoires ont été rédigées par l’Église. À présent, une communauté mondiale de chercheurs travaillant en collaboration avec le Vatican contribue à enrichir notre connaissance sur leur signification, renforçant ainsi leur importance comme objets de croyance. Aujourd’hui encore, l’on tente, parfois sans succès, de retracer les aventures – individuelles et collectives – à l’origine de l’arrivée de ces objets au Vatican. Dans ce contexte, il est certain que cette nouvelle volonté exprimée dans cette exposition de présenter et de partager cette importante collection offre de nouvelles possibilités pour tous. Mes remerciements s’adressent aux membres de l’équipe de l’exposition : Dr Nicola Mapelli, Dr Katherine Aigner, Dr Nadia Fiussello, Dr Matthew Robb, Mme Bianca Finley Alper, Mme Stefania Pandozy, Mme Flavia Serena di Lapigio, ainsi qu’au personnel du Laboratoire de matériel ethnologique des musées du Vatican. Je souhaiterais exprimer ma gratitude également à mes collègues pour leur assistance au cours de mes recherches : Dr Marshall Joseph Becker, Dr Janet Berlo, Dr Marla Berns, Dr Suzanne P. Blier, Mme Cristina Calderón, Dr Herbert C. Cole, Mr. David Grignon, Dr Carol S. Ivory, Dr Christian Kaufmann, Dr Frederick J. Lamp, Dr Ruth Philips, Dr Joachim Piepke, Mme Margaret Rinkevich, Dr Carlos Alberto Uribe Tobón, Dr Jo Anne Van Tilburg, Dr Virginia-Lee Webb et Mme Jacqueline Windh. Objets de croyance du Vatican : art d’Afrique, d’Océanie et des Amériques Jusqu’au 8 septembre 2013 De Young Museum, San Francisco www.famsf.org Du 28 septembre 2013 au 23 mars 2014 Bowers Museum www.bowers.org FIG. 16 : Crucifix, Kongo, République démocratique du Congo, fin du XVIIe siècle. Cuivre. Envoyé de Bruxelles par les Pères rédemptoristes du Bas-Congo pour l’Exposition universelle missionnaire du Vatican en 1925. Museo Etnologico, Vatican, inv. #101057. FIG. 17 : Masque pour la cérémonie kina, probablement fait par Juan Calderón en 1922, Yamana (Yagan/Yaghan), Terre de Feu, Chili. Écorce et pigments. Ramené par le Fr. Martin Gusinde au pape Pie XI en 1927. Museo Etnologico,Vatican, inv. #115488. Photo : Scott McCue. FIG. 18 : Figure d’ancêtre, lacs Murik, Papouasie Nouvelle-Guinée, avant 1932. Bois, pigments et fibres d’écorce. Ramené par le Père Franz Kirschbaum de la Société du Verbe-Divin au Vatican en 1932. Museo Etnologico,Vatican, inv. #109647.
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