107 arrivèrent au musée accompagnés d’une liste manuscrite de cinquante-deux pages densément remplies reprenant le nom vernaculaire et le lieu exact d’acquisition de chaque pièce (fig. 9 et 10). Aux côtés des armes et des monnaies composant ce groupe figurent des sculptures qui représentent encore aujourd’hui quelques-unes des pièces maîtresses de la collection congolaise actuelle du PM (fig. 11, 12, 13 et 14). À la suite de cette acquisition, Gordon contacta, en septembre 1912, l’ethnographe hongrois Emil Torday,11 qui, au cours des années précédentes, avait passé de longues périodes dans la région du Kasaï, dans le centre-sud du Congo, et l’invita à Philadelphie pendant trois mois.12 Gordon espérait que Torday donnerait plusieurs conférences durant son séjour, mais surtout, qu’il dresserait un catalogue des collections congolaises acquises auprès d’Oldman et Umlauff (fig. 15). Après quelques négociations quant à ses émoluments,13 Torday accepta l’invitation et suivit le programme établi par Gordon, travaillant au musée du 1er janvier jusqu’à la fin du mois de mars 1913. Outre la présentation de deux conférences publiques et la publication d’articles dans le Museum Journal sur son séjour au Congo,14 Torday contribua à la collection du musée en vendant un groupe de quarante-cinq objets et textiles qu’il avait collectés au cours de son expédition dans le Kasaï, en 1908-1909. Achetée 280 dollars en juin 1913, la collection se composait essentiellement de coupes, flèches, boîtes en bois et textiles (fig. 16 et 17). En 1914, le marché américain des objets africains subit d’importants changements. Du fait de « l’Armory Show »15 de New York en 1913 et du début de la Première Guerre mondiale, un intense négoce d’art transatlantique se développa entre Paris et New York, englobant aussi bien l’art moderne que l’art africain.16 Les galeries audacieuses qui commencèrent à importer des oeuvres de l’avant-garde européenne se mirent simultanément à exposer des objets africains pour leurs qualités esthétiques, mais aussi pour avoir inspiré de nombreux artistes modernes. Les galeries à l’origine de ce mouvement étaient la Little Gallery of the Photo Secession d’Alfred Stieglitz, plus connue sous le nom « 291 » (fig. 18), la Washington Square Gallery de Robert Coady, et la Modern Gallery de Marius de Zayas. En changeant radicalement la façon dont les objets africains étaient présentés – c’est-à-dire en fuyant les accrochages saturés des musées d’anthropologie et en privilégiant des installations soulignant plutôt les qualités esthétiques de chacune des oeuvres – ces galeries contribuèrent à faire évoluer l’opinion occidentale quant au statut des objets africains et à revendiquer leur dimension artistique à part entière. On assista dès lors à l’émergence de nouveaux collectionneurs qui achetaient des objets africains pour leurs qualités formelles et qui étaient prêts à débourser autant d’argent que pour des créations d’art moderne. Ainsi, les objets africains commencèrent à circuler simultanément dans deux mondes distincts : les musées d’anthropologie poursuivaient leurs achats auprès de marchands d’objets ethnographiques, tandis que les collectionneurs privés et les galeries « singularisaient » les objets et les incorporaient au marché de l’art au sens large du terme. Ces deux marchés ne se rencontraient pratiquement jamais, hormis dans le cas du PM, qui faisait figure d’exception. Gordon, assisté par le conservateur Henry Hall, fut de plus en plus sélectif en matière de collection, fidèle à la mission du musée consistant à promouvoir les qualités artistiques de la statuaire africaine. Il entretenait des relations dans les cercles de l’art moderne new-yorkais, essentiellement à FIG. 10 : Liste manuscrite de mille huit cent vingt-sept objets du Congo vendus au PM par la société Umlauff, 1912. UMPA, Office of the Director, correspondance entre Gordon et Umlauff, 1912. Avec l’aimable autorisation de l’UMPA. Penn Museum
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