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104 En 1912, Gordon fut également approché par la société basée à Hambourg, J. F. G. Umlauff.9 Fondée en 1868, celleci vendait, à l’origine, tout ce qui pouvait être acheté en provenance des navires des marchands dans la ville portuaire de Hambourg – animaux, coquillages, squelettes de reptiles, cornes d’antilopes... –, ainsi que tout ce que l’on pouvait trouver en matière d’objets ethnographiques : des bijoux aux costumes, en passant par l’ensemble d’objets appelés à l’époque « fétiches ». Au tournant du siècle, sous la direction de Heinrich Umlauff, fils aîné du fondateur, la société organisait ses propres expéditions de collecte de par le monde, en Islande, en Grèce, en Lituanie, au Pacifique ou encore en Afrique. Au fil des années, celle-ci se spécialisa dans la vente d’objets ethnographiques. Umlauff finit par devenir l’un des principaux fournisseurs de matériel ethnographique pour les musées d’Allemagne, de Suisse et au-delà. À l’instar d’Oldman, Umlauff constituait ce que lui-même et ses contemporains considéraient comme des collections « complètes » issues d’un seul endroit, un ensemble d’articles supposés représenter la production entière d’un groupe culturel spécifique. La société se voulait scientifique et travaillait en collaboration avec des musées ethnographiques ainsi que pour les expositions universelles très populaires à l’époque, organisant des présentations en leur nom, accompagnées de scènes remplies de mannequins et de dioramas. Tout comme Oldman, Umlauff faisait la promotion de ses collections en publiant des albums richement illustrés qui étaient envoyés à des clients institutionnels potentiels. Les planches photographiques traduisaient bien les deux spécialités d’Umlauff : les collections « complètes » et les scènes avec mannequins (fig. 7, 8, 9 et 10). Afin de renforcer leur crédibilité scientifique, le nom des photographes de terrain était parfois ajouté aux albums. Dans l’un de ceux-ci figure une scène très rare illustrant l’entreposage d’oeuvres du Cameroun et livrant une image unique des pratiques de collecte en Afrique au début du XXe siècle (fig. 6). Pris en 1913 lors d’une expédition dans l’ouest du Cameroun, ce cliché accompagnait l’un des plus grands albums jamais produits par Umlauff, envoyé au PM dans le vain espoir de vendre la collection au musée. Gordon se rendit en personne à Hambourg en 1912 et sélectionna un groupe de mille huit cent vingt-sept oeuvres en provenance du Congo proposées par Umlauff. Elles avaient toutes été collectionnées en 1905 et 1906 par Leo Frobenius au cours de sa célèbre « Expédition dans le Kasaï congolais ».10 Les oeuvres jugées des « doublons » par le Museum für Völkerkunde de Hambourg, qui avait financé l’expédition, furent vendues au rabais à Umlauff, ce qui permit au marchand de mettre en avant le caractère scientifique de ses activités. Il s’agissait de l’une des collections les mieux documentées acquises par le PM à cette époque. Les objets FIG. 5 : Masque facial. Peuple kuba (vraisemblablement dû au sous-groupe bushong), République démocratique du Congo. Bois, pigment, tissu de raphia et coton, coquillages de porcelaine, perles de verre, punaises en laiton. H. : 33 cm. Acheté à W.O. Oldman, Londres, 1912 (AF 3685). Avec l’aimable autorisation du Penn Museum. Ngady Mwaash est le nom d’un masque facial féminin qui, au sein des bushong, dans la région méridionale kuba, fait partie d’une triade de masques utilisés lors de cérémonies publiques, d’initiation et, principalement, de funérailles. Dans la capitale kuba, ils apparaissent également lors de spectacles célébrant la création mythique du royaume. Ngady Mwaash représente la soeur et épouse de Woot, l’équivalent d’Adam pour le peuple kuba, dont l’incestueuse union donna naissance aux bushong. Les lignes parallèles peintes sous les yeux, l’un des nombreux motifs géométriques ornant le masque, sont censées représenter des larmes et faire allusion au deuil d’un membre de la société d’initiation des hommes. Pour plus d’informations, voir en particulier David A. Binkley dans Frederick John Lamp. See the Music, Hear the Dance. Baltimore : Baltimore Museum of Art, 2004. C.P. FIG. 6 : Photographie de la collection du Cameroun entreposée à Hambourg. Publiée dans J. F. G. Umlauff, 10 Gruppen-Aufnahmen der großen Kamerun-Sammlung. Inv. 220. Hambourg : J.F.G. Umlauff Völkerkundliches Institut und Museum 1913. Avec l’aimable autorisation de l’UMPA. DOSSIER


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