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Ramu, mais représentent également les priorités de
collection nord-européennes par la façon dont les
pièces ont été rassemblées. La majorité de ces objets
sont issus de l’époque de collecte allemande d’avant
la Première Guerre mondiale et montrent l’intérêt
alors contemporain pour les objets raffi nés plus petits
ainsi que pour les artefacts qui pourraient plus
facilement être rapportés en Europe. Ils proviennent
principalement de la partie inférieure du bassin du
Sepik-Ramu, où étaient établis la plupart des intérêts
mercantiles coloniaux. Les masques dominent
la sélection étant donné qu’ils étaient destinés à exprimer
directement la condition humaine, alors que
des charmes plus petits et des appuis-tête séduisaient
pour leurs patines riches et bien exécutées. Outre
leur intérêt ethnographique évident, ces objets ont
également été appréciés très tôt pour la sensibilité
esthétique qu’ils expriment ainsi que pour leur rareté.
Des personnes dévouées, comme le collectionneur
et marchand allemand Arthur Speyer et A. B.
Lewis du musée Field connaissaient précisément la
qualité de leurs formes sculpturales et les exposaient
avec autant de compréhension et d’attention pour
leurs qualités « artistiques » que celles témoignées
par tout amateur de peinture. Sans oublier bien sûr
l’appréciation grandissante de l’art Sepik-Ramu
dans les mouvements d’art moderne naissants qui
est signifi cative pour l’époque. De nombreux objets
dans Ancestral Visions faisaient jadis partie de fonds
institutionnels. Les musées allemands en particulier
avaient coutume d’échanger les doubles et de
vendre les surplus, qui se retrouvaient souvent sur
le marché libre. C’était le cas d’une série de pièces
exposées qui se trouvaient au musée Linden de Stuttgart,
mais avaient été retirées dans les années 1950
et 1960. Plusieurs d’entre elles étaient également
issues des collections privées de premiers visiteurs et
résidents, comme le prospecteur d’or Ernst Tappenbeck,
Ulrich Häberle de la Neuguinea-Kompagnie et
le gouverneur allemand Albert Hahl. Parallèlement,
les stations missionnaires collectaient des oeuvres
pour les musées de leurs métropoles européennes et
certains de ces objets proviennent des collections des
congrégations catholiques de la SVD aux Pays-Bas
et en Allemagne. La majorité des oeuvres d’art Sepik
Ramu incluses dans le projet sont probablement
passées entre les mains de marchands et de collectionneurs
importants du milieu du XXe siècle qui
étaient en contact avec les descendants des collectionneurs
d’origine. Ernst Heinrich de Bad Canns-