de son statut de serf. Finalement, Golitsyn lui accorda
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la liberté, ce qui permit à Tikhanov de recevoir
un diplôme offi ciel. Il demeura deux années
supplémentaires à l’académie afi n d’améliorer
ses compétences artistiques, avant d’être invité à
rejoindre le capitaine Golovnin en tant qu’artiste
d’expédition, sur recommandation du président de
l’académie, Aleksey Olenin.
La nature studieuse de Tikhanov, alliée à l’heureuse
opportunité de voir le monde tout en poursuivant
son métier, le conduisit à s’acquitter de son
devoir avec diligence. Il travailla conformément
aux instructions reçues d’Olenin qui l’encourageait
à veiller à ce que ses oeuvres soient le plus ressemblantes
possible à leurs sujets plutôt que peintes
selon son imagination. Malgré ce conseil, beaucoup
de ses portraits sont très stylisés et arborent
le même visage cubique, bien qu’il fût capable de
du cap Horn jusqu’à la Kamtchatka et revenir à
Kronstadt en passant par le cap de Bonne-Espérance.
Le journal de voyage de Tikhanov contient
des informations de légendes devant accompagner
quarante-quatre aquarelles qui refl ètent la plupart
des escales de la frégate. Bien que toutes ses
oeuvres ne nous soient pas parvenues, celles que
nous connaissons concernent le Brésil, le Pérou,
l’Alaska, les îles Aléoutiennes, la Californie, les îles
Hawaï et les Philippines. Parmi elles, la majeure
partie – vingt au total – concernait les peuples
autochtones d’Alaska (Sitka et Kodiak) et des îles
Aléoutiennes, où l’équipage du capitaine Golovnin
passa environ un mois. Les sujets de Tikhanov
étaient à la fois des citoyens locaux ordinaires et
leurs chefs. Leurs vêtements, ornements, bijoux et
armes furent décrits par l’artiste dans les moindres
détails, ce qui en fait une documentation toujours
pertinente de nos jours. Une autre oeuvre historiquement
importante que Tikhanov peignit pendant
ce séjour est le portrait d’Alexandre Baranov,
premier gouverneur assiégé de l’Amérique russe.
Effectuée à l’huile en août 1818, il s’agit de la seule
toile connue de lui (fi g. 13). Il réalisa également une
aquarelle de l’ennemi local de Baranov, le chef tlingit
Katlian (fi g. 4).
De là, le Kamchatka navigua vers la Californie, visitant
les baies de Bodega et de Monterey Fort Ross,
peut-être plutôt. Ici, Tikhanov peignit le peuple local
Miwok de la baie de Bodega et décrivit leur quotidien
et leurs coutumes. Cinq de ces aquarelles subsitent.
Comme pour le portrait du gouverneur Baranov, les
images de Tikhanov sont les seules traces visuelles
connues de ce groupe particulier (fi g. 6).
Dans les îles hawaïennes, sur la route des Philippines,
Tikhanov continua à travailler sur des
portraits d’indigènes, notamment de la noblesse
peindre avec un grand naturalisme. Tikhanov réalisa
de nombreux dessins et aquarelles au cours de
ce voyage et, afi n d’obtenir à la fois ressemblance
et précision scientifi que, il employa systématiquement
deux angles pour une même image, généralement
une vue de profi l et de face de ses sujets (fi g.
3). Cette approche est devenue plus tard caractéristique
de la documentation anthropométrique, car
elle capturait au mieux les détails. Mais en dépit
de leur nature utilitaire, les oeuvres de Tikhanov
sont chaleureuses, romantiques et honnêtes. Elles
révèlent sa curiosité et son admiration pour les
cultures lointaines qu’il rencontra. Ses compagnons
d’expédition ont remarqué qu’il se sentait
à l’aise parmi les peuples autochtones, qu’il riait
souvent et jouait avec eux tout en dessinant leurs
portraits et en documentant leur quotidien.
L’itinéraire du Kamchatka était typique de celui
des explorateurs russes de l’époque : naviguer
FIG. 10 (EN BAS À
GAUCHE) : Mikhail Tikhanov,
Aléoutien chassant en mer,
1818.
Aquarelle et crayon sur papier.
46,2 x 33,4 cm.
Académie russe des Beaux-Arts, Saint-
Pétersbourg, inv. ƣƨ-610-Ʃ-21+2.
FIG. 11 (CI-DESSUS) :
Mikhail Tikhanov, Famille
kolosh de l’île Sitka, Sitka,
1818.
Aquarelle et crayon sur papier.
46,2 x 33,4 cm.
Académie russe des Beaux-Arts, Saint-
Pétersbourg, inv. ƣƨ-610-Ʃ-2113.
FIG. 12 (EN HAUT À
DROITE) : Mikhail Tikhanov,
Aléoutien en tenue de fête
faisant une démonstration
de techniques de chasse,
Kodiak, 1818.
Aquarelle et crayon sur papier.
33,4 x 46,2 cm.
Académie russe des Beaux-Arts, Saint-
Pétersbourg, inv. ƣƨ-610-Ʃ-21+2.
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