DOSSIER
Transformer des os de cochon
en objets d’art chargés de sens :
DES ASMAT DE NOUVELLE-GUINÉE
Les peuples indigènes de Nouvelle-
Guinée pratiquent depuis longtemps plusieurs techniques
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d’ornementation corporale (scarifi cation, peinture
ou perçage) tant pour un usage quotidien que
pour les cérémonies et les célébrations. Tout ce que la
nature peut offrir est susceptible d’orner le corps : de la
terre colorée, des coquillages, des graines, des bâtons
de bambou, des plumes, des griffes de casoar, des carapaces
de tortue, des dents d’animaux, des coques de
noix de coco, des os, etc.
Ces matières premières ont été travaillées avec une
grande dextérité pour en faire des parures artistiques
attrayantes. Particulièrement appréciés, les os d’humains
et de casoars étaient utilisés pour fabriquer des
poignards, comme nous l’avons évoqué dans un article
précédent (Tribal Art magazine, printemps 2017).
Nous explorerons ici les matériaux utilisés par les
Asmat pour sculpter les parures de nez et nous pencherons
sur les signifi cations des différentes formes.
LES PARURES DE NEZ
Par Nefertari Tabak Tadema, Maurice Stevens, Henk Tabak et Michel Thieme
FIG. 1 (CI-DESSUS) :
Exemple de deux ornements
de nez aux formes très
différentes.
Taillés à partir d’un seul morceau d’os, ces ornements
présentent une grande diversité de formes malgré la
simplicité de la matière première (fi g. 1).
PARURES DE NEZ
Les parures de nez, ou otsjes, font partie de la tenue
ordinaire de l’homme adulte initié du peuple Asmat,
vivant dans les régions marécageuses du sud-ouest de
la Nouvelle-Guinée. Ces ornements n’étaient toutefois
pas la prérogative exclusive des hommes et les femmes
aussi portaient de temps à autre des parures de nez
(fi g. 2). Leur mise en place nécessitait une perforation
de la cloison nasale. Pratiquer une telle ouverture et
l’élargir suffi samment était un processus long et douloureux
qui était amorcé très tôt. La cloison était perforée
avec un bâton pointu et la plaie était agrandie
avec des feuilles de bambou enroulées (fi g. 3). Une fois
le processus terminé, l’adulte peut y insérer des objets
d’une certaine taille, pas uniquement des otsjes, mais
également des ornements plus imposants en coquillages
(bipanes) par exemple.
D’après la littérature, les os utilisés pour les otsjes
pouvaient être d’humains, de casoars ou de porcs (G.
et U. Konrad et T. Schneebaum 1981 ; F. Borel 1999).
Nous étions curieux de savoir plus précisément quels
os parmi ces trois espèces étaient utilisés et de découvrir
l’histoire de ces parures. Pour aborder la question des
types d’os, nous nous sommes heurtés aux problèmes
suivants : les parures de nez sont relativement petites,
entre 10 et 15 cm de long pour une épaisseur de 2 à
2,5 cm au centre (ces informations sont basées sur une
étude de plus de cinq cents exemplaires conservés dans
des musées et une collection privé) ; et elles sont toujours
sculptées pour inclure des motifs symboliques.