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d’affi nage dont l’objectif est de retirer les impuretés de
la matrice géologique (minerai de fer). Par l’application
d’une chaleur intense (1150 - 1260° Celsius), le
fer contenu dans la roche peut être isolé des minéraux
contaminants indésirables. Soumises à la chaleur du
fourneau jusqu’à ce qu’elles atteignent un état semi-liquide,
les particules de fer se rassemblent jusqu’à former
une masse malléable qui ressemble à une éponge et
qu’on appelle « gueuse ». À ce stade seulement, le fer
peut être manié par le forgeron, ce qui nécessite qu’il
soit chauffé à blanc afi n d’être mis en forme par la force
compressive du marteau, puis manipulé plus avant par
les poinçons, ciseaux et autres outils.
SECTION III : les origines du fer africain
L’histoire du monde est souvent catégorisée par la progression
des « âges » : de celui de la pierre à celui du
cuivre ou du bronze, puis du fer. Cependant, en Afrique
sud-saharienne où les ancêtres de l’humanité commencèrent
d’abord par faire des outils de pierre, l’utilisation
d’un tel équipement se poursuivit directement,
sans transition, dans l’âge du fer du continent. Les
archéologues avaient mis en évidence des éléments qui
permettaient de suggérer que la technique du fer était
survenue en Afrique du nord dès le premier millénaire
précédent notre ère, puis avait essaimé vers le sud, mais
des recherches récentes ont repoussé plus loin encore
dans le temps l’arrivée de la production du fer.
Ces technologies ont-elles été inventées et développées
dans une ou plusieurs localités au sud du Sahara ? Ontelles
été disséminées avec les premières migrations et
voies commerciales ? Quelle que soit la manière dont les
artisans africains en ont eu connaissance, elles ont rapidement
été adoptées et adaptées, au point que l’exploitation
du fer à une large échelle a eu lieu dans plusieurs
sites anciens. La production, l’usage et l’échange du fer
ont défi ni des hiérarchies politiques et sociales comme
le confi rment les découvertes archéologiques des sites
de Campo au Cameroun (du IIe au IVe siècle), de Kamilamba
en RDC (du VIIIe au Xe siècle) et de Grand Zimbabwe
(XIIIe - XIVe siècle).
Beaucoup de communautés africaines ont recours à
des mythes d’origine pour révéler et expliquer les remarquables
inventions et innovations des forgerons. La
« naissance » des gueuses et l’action de forger des objets
sont considérées comme des faits extraordinaires,
et des populations comme les Dogon ou les Bamana du
Mali racontent des récits dans lesquels les forgerons, à
l’instar des dieux, étaient capables de transformer les
substances et les circonstances.
Le rôle proéminent des forgerons dans la société
bamana découle de leur expertise dans les technologies
du fer, les remèdes à base de plantes et la gestion
de relations avec le monde surnaturel. Les forgerons
dirigent la puissante association d’initiation du
Kòmò, qui enseigne à ses membres comment
mobiliser une énergie hors du commun, appelée
nyama, à des fi ns personnelles, sociales
et spirituelles. Le Kòmò concerne u n
triangle de pouvoir : les chefs forgerons, les objets
de pouvoir (y compris les masques et les autels) et les
esprits de la nature.
FIG. 9a et b (CI-DESSUS et CIDESSOUS)
: Photographie de
la fouille d’une sépulture mise
au jour sous la dénomination
de Tombe 7, à Kamilamba. Les
zones encerclées indiquent une
lame de hache avec des clous
de décoration (au-dessous des
genoux pliés du squelette) et
une enclume (à côté du crâne).
Photo © Pierre de Maret, Kamilamba,
région de l’Upemba, RDC, 1992.
© Dessin, réalisé par Yvette Pacquay,
d’une lame de hache dont le manche en
bois est orné de clous, 1992.
© Musée royal de l’Afrique centrale,
Tervuren.
FIG. 10 (À DROITE) : Herminette cérémonielle.
Dogon, Mali. Début XXe siècle.
Fer, bois. H. : 72,1 cm.
Fine Arts Museum de San Francisco, don de « Erle Loran Family
Collection », inv. 2008.38.48.
Avec l’aimable autorisation du Fine Arts Museum de San Francisco.
Cette grande herminette de danse, qui devait être tenue sur
l’épaule avec la lame dans le dos, représente une cascade de
fi gures ancestrales (Nommos) descendant sur terre. Chez les
Dogon, des cloches au sommet d’objets exhibés durant des
performances peuvent appeler les esprits. Le Nommo, qui devint
le premier forgeron, déroba le feu au soleil pour le partager avec
les humains et cet acte est célébré par une société de voleurs
rituels, choisis dans chaque clan dogon, appelée Yona. Leur
fonction principale est de rejouer, par le spectacle et la danse, la
scène du vol primordial à l’occasion des funérailles d’un de leurs
membres. Des objets rituels comme des bâtons, des serpes et des
herminettes transmettent les énergies créatives du fer dans les
mains des danseurs.