OTTO FINSCH
109
voisine des Hautes-Terres au moment de la mer intérieure
Sepik-Ramu. Des preuves archéologiques suggèrent
que les prédécesseurs de la population Sepik-
Ramu d’aujourd’hui habitaient des zones côtières et
vivaient de manière similaire à celle des peuples de la
côte nord de la Nouvelle-Guinée. Il reste à comprendre
quand et comment ils se sont adaptés aux sociétés riveraines
avec un changement proportionnel de régime
alimentaire, de logement et de rituel – un processus qui
a clairement eu lieu.
L’on pense souvent qu’avant le contact avec les Occidentaux,
les cultures indigènes du Pacifique existaient
dans un état de tranquillité statique. Cette idée s’est
formée à la suite immédiate des premiers voyages vers
Tahiti et les îles polynésiennes environnantes au XVIIIe
siècle et des variantes de ce thème ont perduré dans
l’imagination collective et dans les discours savants
ultérieurs du XIXe siècle. En fait, la condition humaine
n’était et n’est pas différente dans le Pacifique qu’ailleurs
dans le monde. Conflits et résolutions, commerce
et échanges, migrations et voyages étaient tout aussi
inhérents aux sociétés du Pacifique – celles du Sepik-
Ramu comprises – qu’aux autres.
Le Sepik-Ramu et ses affluents traversent quelque
cent cinquante villages et hameaux distincts et près
de cinquante langues différentes sont parlées par
une population d’environ deux cent cinquante mille
personnes. Des variantes localisées de la famille linguistique
primaire, connue sous le nom de Ndu,
sont parlées par les peuples Iatmul, Abelam et Boiken,
les principaux groupes de la région du moyen
Sepik. Traditionnellement, il n’y avait pas d’autorité
centrale parmi les peuples du Sepik-Ramu, car
les sociétés patriarcales étaient organisées autour de
l’autorité émanant du « chef » de chaque clan local.
Les familles dans ces petites unités sociales étaient
centrées autour de maisons en bois et en chaume, façonnées
avec des outils raffinés en pierre, étant donné
que la fabrication du métal était inconnue avant l’ouverture
du Pacifique au monde extérieur. Les sexes
étaient en grande partie séparés, les femmes vivant
dans des maisons individuelles avec leurs enfants
et les hommes habitant dans la maison centrale des
hommes, toujours une structure de taille imposante.
L’entrée dans le monde adulte passait par une initiation,
tant pour les garçons que pour les filles. Certaines
des principales cérémonies de rites de passage,
tant secrètes que publiques, comprenaient la musique
des flûtes sacrées, les danses masquées, les tatouages
rituels et la transmission de connaissances obscures
largement ancrées dans les traditions ancestrales.
Bien que la vaste région du Sepik-Ramu comprenne
un grand nombre de groupes linguistiques dont sont
issues des oeuvres d’art allant du naturalisme subtil
à l’art hautement abstrait, des fils conducteurs les
relient. Une connexion sous-jacente au monde des
esprits et une volonté de trouver un équilibre avec
le monde des ancêtres y occupent une place centrale.
Cette dualité se retrouve dans les mythes de création
où, d’une part, les héros de la culture donnent
leur signification et leur fonction aux oeuvres d’art
et, d’autre part, le monde naturel suit son propre
cours, non entravé par l’existence humaine. La forme
humaine est l’imagerie la plus importante et la plus