ART ET LOI
temps plus long qu’il aura fallu pour qu’une autre
polémique totalement injustifi ée voie le jour dans
la capitale mondiale des Arts et de la Culture ?
Depuis 1991, une oeuvre de l’artiste Hervé Di
Rosa représentant l’abolition de l’esclavage en
France en 1794 orne le mur de la galerie d’accès
aux tribunes de l’hémicycle du le Palais Bourbon.
La fresque représente deux fi gures noires, sur
fond de chaînes brisées, dans un style emprunté
aux codes de la BD, propre à ce maître de la fi guration
«
Cette toile, qui symbolise l’abolition de l’esclavage
par le pouvoir législatif, n’avait heureusement
jusqu’alors suscité aucune contestation, mais voici
que c’est chose faite depuis avril dernier puisqu’une
pétition, suivie d’une tribune, en demande le retrait
au motif qu’elle « banaliserait le racisme » à
l’Assemblée nationale. Les initiateurs de cette pétition
dénoncent la façon dont l’artiste a choisi de
représenter les « visages de Noirs, yeux exorbités,
lèvres surdimensionnées, dents carnassières dans
une imagerie empruntant à la fois aux publicités
Banania et à Tintin au Congo ».
Puisque le propos est au-dessus de tout soupçon
– l’abolition de l’esclavage en 1794, rappelons-le –
c’est bien la démarche artistique, le choix de l’auteur
et sa vision du sujet, qui sont jugés non conformes à
une idéologie. Vous avez-dit « censure » ?
L’auteur de ce tableau devenu litigieux s’est
défendu sans convaincre ses juges d’un « artistiquement
correct » en invoquant son oeuvre peuplée
de « formes grotesques, issues de l’imagerie
populaire et modeste » très codifi ée : « quelle que
soit leur couleur, leur sexe ou leurs caractéristiques
physiques, mes personnages ont de grosses lèvres
rouges ». Rien n’y a fait.
À ce jour, bien que la toile soit demeurée en
127
libre.
Partout dans le monde,
des militants de la bienpensance
rallument les grands brasiers de la
censure et se proposent d’y jeter des
pans entiers de l’histoire.
«