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delta de l’Ogooué (fi g. 10)16, qui les « a assistés
dans leur voyage »17. La fi gure lui a été transmise,
peut-être comme cadeau en reconnaissance de son
aide18. Il semble que peu d’informations sur Pilastre
aient été enregistrées, si ce n’est qu’il dirigeait à
l’époque l’un des quatre principaux postes de traite
au Gabon, qu’il avait fondé dans les années 185019.
Il serait retourné au Havre après trente ans20.
Après Pilastre, la pièce a intégré la collection
Orle21. Le peu d’informations disponibles sur cette
collection peut indiquer qu’elle n’était pas dédiée à
l’art non occidental. De là, comme indiqué sur sa
base, elle est allée au marchand parisien Charles
Ratton (1895-1986), qui lui attribua le numéro
173. Ratton a eu sa licence de marchand d’art en
1927 et 173 est un petit numéro d’inventaire, ce qui
indique qu’il a eu la pièce au début de sa carrière22.
De Ratton, elle est allée au Dr Gaston Durville
(1887-1971), une personnalité pour le moins haute
en couleur (fi g. 13). C’était un ardent défenseur de
la guérison naturelle, de l’hypnose, de l’infl uence
psychique et du naturisme, pour ne citer que
quelques domaines, et il publia de nombreux
ouvrages sur ces sujets. Au début des années 1930,
il s’intéressa à l’art africain, en particulier à celui
des Fang, et un nombre surprenant de sculptures
fang portent sa marque, qui est souvent indiquée
par une étiquette distinctive avec un graphique
circulaire (fi g. 12), bien qu’elle soit absente sur
cette sculpture23.
La sculpture a refait surface en 1989 lors d’une
vente aux enchères Loudmer à Paris. La seule
provenance mentionnée est Durville, bien qu’il ne
soit pas indiqué comme expéditeur ; elle a donc pu
passer par d’autres mains dans l’intervalle24. Elle
fut vendue à cette occasion avec une estimation de
cent mille à deux cent mille francs, montant loin
FIG. 9 (CI-DESSUS) :
« Mon premier gorille ».
Dans Paul Belloni Du Chaillu,
Explorations and adventures in
Equatorial Africa, édition britannique
originale, p.71.
FIG. 10 (EN BAS) :
Le siège commercial de la
société Pilastre au Gabon.
Gravure de L’Illustration, Journal
Universel, 20 janvier 1866.
HISTOIRE D'OBJET
Nous allons nous pencher plus loin sur Ratton,
mais Paul Belloni Du Chaillu (vers 1831-1903),
considéré comme l’un des premiers explorateurs de
l’Afrique, était, selon K. David Patterson, motivé
en grande partie par son intérêt pour la chasse
au gros gibier (fi g. 9), bien que cela ne doive pas
diminuer sa contribution à l’histoire. Son père
installa un poste de traite au Gabon en 1845 et
Du Chaillu travailla avec lui de 1848 à 1852. Il
retourna au Gabon en 1855. S’appuyant sur les
importantes relations de son père dans la région,
il passa les quatre années suivantes à étudier « les
superstitions, les coutumes et les modes de vie des
tribus noires », ainsi qu’à chasser le gorille. Il y
retourna en 1863 et, après de nombreux reports,
retourna à l’intérieur du pays en 1864, bien que
cette expédition fût de courte durée15. Le livre
exact auquel se réfère l’étiquette reste incertain, car
les publications de Du Chaillu sur l’Afrique datent
d’avant l’expédition de Marche – de Compiègne.
De Compiègne note qu’au moment de la
publication en 1875, le personnage appartenait
à M. Pilastre. E. Pilastre était un marchand basé
au Havre qui avait des intérêts commerciaux sur
la côte du Gabon, à Wézè, dans la partie nord du