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FIG. 14a-b (À DROITE) :
Photo illustrant un article
de journal intitulé « Chef de
clan cannibale à Stora Skedvi.
C. W. Öberg a fait don de
sa collection au Hometown.
L’étrange musée ouvre ce
dimanche. »
Aftonbladet, 22 juin 1931. (réf. 11a).
Photo © Kungliga Biblioteket
Stockholm.
Öberg est photographié une lance à la
main (voir fi g.12), à l’extérieur de son
chalet à Hysta, en Suède, à côté de
son grand poteau malagan dressé pour
l’occasion (fi g.9).
DOSSIER
danger. Par contre, si au moment où nous atteignions
le rivage nous réalisions que le groupe d’indigènes se
composait uniquement d’hommes, il était préférable
de rebrousser chemin immédiatement, car si nous
regardions attentivement et constations que chaque
homme dissimulait un pied dans le sable, nous savions
alors qu’ils cachaient des lances entre leurs orteils.19
Cette pratique consistant à s’armer en toute discrétion
a été observée à une autre occasion par Öberg au
large de l’île de Lihir (Gerrit Denys). Les indigènes qui
approchaient du bateau dans l’eau tenaient des lances
dans leurs orteils. Selon Öberg, ils arrivaient parfois à
surprendre les équipages en utilisant cette tactique20.
Une autre observation attentive faite par Öberg au
début de l’année 1898 alors qu’il visitait Port Moresby
en Nouvelle-Guinée l’impressionna suffi samment
pour qu’il en prenne note : « Les femmes sont tatouées
sur tout le corps, et leurs visages sont également
décorés d’une large bande allant de la racine des
cheveux sur le front jusqu’au bout du nez, puis d’une
autre large bande partant de chacune des oreilles et
descendant le long des joues jusqu’aux coins de la
bouche, et encore d’autres petites lignes. »21 Cette
description correspond aux styles de tatouage portés
à la fois par les femmes Waima et Mailu du golfe
de Papouasie et le long de la côte sud-est de Nouvelle
Guinée. Des photos montrant des motifs comnombreuses
îles et plantations de la région. Il semble
clair qu’à cette époque il possédait déjà une bonne
maîtrise des eaux de cette partie du monde. Si ses
carnets rédigés quelques années avant cette date
n’ont pas subsisté, l’inventaire de sa collection mentionne
toutefois l’acquisition d’un poteau malagan,
acheté en 1886 à « Kap Su » (Kapsu), dans le nord
de la Nouvelle-Irlande (fi g. 1 et 9), ainsi que l’achat
en 1889 d’arcs et de fl èches à Bougainville, dans les
îles Salomon (fi g. 8). Öberg a obtenu l’un de ces arcs
et ces fl èches contre cinq bâtons de tabac17. Ces dates
confi rment donc sa présence sur les lieux.
À notre connaissance, le premier emploi d’Öberg
dans la région consiste à recruter de la main-d’oeuvre
à bord d’un navire pour le compte de la compagnie
E. E. Forsyth & Co. appartenant à Emma Kolbe,
surnommée « la reine Emma », afi n de s’occuper des
plantations de cette dernière à Herbertshöhe (Kokopo)
et Blanche Bay. Il ramasse en outre de nombreux
coquillages, qu’il utilise à des fi ns commerciales.
Comme bon nombre d’agents coloniaux, de
marchands et de voyageurs, l’équipage de ce navire,
Öberg compris, a été invité à un somptueux dîner
dans le bungalow de la reine Emma.
Les notes d’Öberg relatives à son travail de recruteur
indiquent qu’il se concentrait sur les îles de Buka
et de Bougainville, dans les îles Salomon, ainsi que sur
la côte est de la Nouvelle-Irlande. Ses indications sont
brèves, par exemple : « Nous avons acheté 6 Kanaks
et un… », « descendus à terre à plusieurs endroits
pour recruter », « le long de la côte est de Buka et
recruté 25 garçons », et « navigué vers Bougainville
pour recruter plus de gens. »18 En 1930, après son
retour dans sa ville natale en Suède, Öberg donne une
interview à propos de sa vie dans les mers du Sud, et
évoque, entre autres, ses activités de recruteur :
La main-d’oeuvre pour les plantations devait être
recrutée dans les îles voisines et non sur place, car les
locaux n’auraient pas voulu travailler puisqu’ils étaient
déjà chez eux. Un navire de recrutement avait à son
bord environ 20 membres d’équipage. Comme il jetait
l’ancre au-delà de la barrière de corail, deux bateaux
plus petits étaient utilisés pour se rendre à terre et
rencontrer les autochtones sur la plage. Si l’un d’eux se
portait volontaire pour travailler, ses proches recevaient
diverses marchandises en guise de compensation. L’autre
bateau transportait des hommes armés, prêts à réagir en
cas d’attitude hostile de la part des locaux. Aucun d’eux
ne devait s’approcher s’il était armé, et tant que des
femmes et des enfants étaient présents, il n’y avait aucun