Page 149

T84F_internet

147 Rinehart et Muhr poursuivirent leur projet après la fi n de la Trans-Mississippi Exposition. Ils réalisèrent d’autres portraits en studio à l’occasion de la First Greater American Colonial Exposition, un événement de moindre envergure organisé du 1er juillet au 1er novembre 1899 sur le même site. En 1899 et 1900, les deux photographes se rendirent également dans certaines réserves indiennes, notamment la Crow Agency dans le Montana, où ils réalisèrent d’autres portraits et des photos. Ce projet de deux ans donna lieu à plus de douze cents portraits qui furent largement diffusés. Conscient du potentiel commercial de ses photos, Rinehart mit un terme à son contrat avec la Smithsonian et protégea ses images par un copyright – une situation qui fi nira par entraîner un confl it insoluble avec Muhr. La majorité des photos sont annotées méticuleusement ; elles comportent le nom (pas toujours correct) et la tribu du sujet, mais les appartenances tribales sont toutefois orthographiées de différentes façons, tandis que l’on observe un manque de cohérence entre singulier et pluriel. Au fi l du temps, les photos de Rinehart ont été critiquées. On leur reprochait d’exploiter l’assujettissement des Amérindiens. S’il est vrai qu’elles furent réalisées principalement à des fi ns commerciales, ce sont en réalité les expositions qui exploitaient la situation des Indiens. La dimension profondément personnelle des photos de Rinehart et de Muhr, couplée à leur diffusion massive, a au contraire véhiculé une image perçue à l’époque comme positive des Amérindiens, considérés non plus comme des ennemis, mais comme des individus à part entière. Bien que l’on ignore aujourd’hui leurs motivations, environ cinq cents personnes de quelque trentecinq tribus, dont de nombreux vétérans célèbres des guerres indiennes, acceptèrent la proposition. En raison de retards de fi nancement, le « Congrès indien » ne commença que le 4 août 1898 et se poursuivit jusqu’à la fi n de l’exposition, trois mois plus tard. Les Indiens « vaquant à leurs occupations quotidiennes » ne suscitèrent que peu d’intérêt auprès des visiteurs au contraire des parades, des simulations de batailles et des reconstitutions de la Danse des esprits. Le photographe publicitaire local Frank A. Rinehart (fi g. 2), qui avait été formé par le célèbre William Henry Jackson, fut nommé photographe offi ciel de l’exposition. Il fut notamment chargé par la Smithsonian Institution de documenter les participants au Congrès indien, une tâche qu’il confi a, du moins en partie, à son assistant Adolph Muhr. Dans un studio situé sur place, les deux hommes réalisèrent des portraits à partir de négatifs sur plaques de verre de 20 x 25 centimètres, tandis que les positifs prirent la forme d’épreuves au platine. Les sujets photographiés debout et en pied posaient devant une toile de fond victorienne peinte, pour le moins incongrue. Néanmoins, cet arrièreplan ne prend nullement le pas sur les sujets, dont les portraits sont d’une incroyable sensibilité. Malgré une certaine réticence des Indiens au départ, Rinehart et / ou Muhr parvinrent à gagner leur confi ance, pour fi nalement obtenir des images mettant en exergue l’humanité des individus photographiés, à l’instar des portraits de Gertrude Käsebier représentant les Sioux prenant part aux Wild West Shows de Buffalo Bill, une série qui fut initiée également en 1898 (cf. Tribal Art magazine, nº 61). Les sujets de Rinehart et Muhr sont parfois vêtus de tenues traditionnelles complètes, mais portent également très souvent des vêtements occidentaux – pantalon, chemise et / ou gilet – recouverts d’éléments traditionnels. Plusieurs Indiens posent avec des cadeaux reçus du gouvernement américain, comme des médailles de la paix ou des cannes présidentielles. À quelques exceptions près, les tenues traditionnelles sont toutes différentes, ce qui laisse penser que ces divers éléments appartenaient aux Indiens eux-mêmes plutôt qu’au studio. Une hypothèse qui semble se vérifi er sur les photos prises en extérieur, au sein du campement (fi g. 16), où l’on observe des tenues vestimentaires similaires. FIG. 16 (À GAUCHE) : Frank A. Rinehart et/ou Adolph F. Muhr, Omaha Dance Bonnet & Scalp Lock, 1899. Épreuve au platine. Environ 18 x 23 cm. Greater American Exposition, Omaha, Nebraska, 1899. Rinehart neg. 1391. Avec l’aimable autorisation des Trustees of the Boston Public Library, Print Department. Cette photo appartient à une série de trois images de ce personnage assis identifi é probablement comme un homme kiowa nommé Capitan. FIG. 17 (CI-DESSUS) : Frank A. Rinehart et/ou Adolph F. Muhr, Bear se tenant debout, Big Eagle, un homme Blackfoot non identifi é ainsi qu’un couple euro-américain également non identifi é en arrière-plan, 1898. Épreuve au platine. Environ 23 x 18 cm. Indian Congress, Trans-Mississippi and International Exposition, Omaha, Nebraska, 1898. Avec l’aimable autorisation des administrateurs de la Boston Public Library, service d’impression. NOTES 1. James B. Hayes, 1910, History of the Trans- Mississippi and International Exposition of 1898, St. Louis : Woodward & Tiernam Prtg. Co., p. 51. 2. Ibid., p. 220. 3. « Report of the Commissioner of Indian Affairs », 1898, dans Annual Report of the Department of the Interior, partie 1, Washington, D.C. : Government Printing Offi ce, p. 27.


T84F_internet
To see the actual publication please follow the link above