Page 128

T84F_internet

HISTOIRE D'OBJET 126 des Plaines du Sud et des Apaches ont permis par ce chevauchement vestimentaire d’accompagner ce changement de perception. Il est intéressant de noter que dans l’image d’Agostino Donati de 1928 qui a été largement diffusée (fi g. 2), Santiago porte la même chemise de peau perlée, probablement d’origine Jicarilla, que celle que portait Diego Naranjo dans le portrait de 1898 par Rinehart (fi g. 4). Les efforts pour défendre les droits de propriété des Pueblo ne s’arrêtèrent pas en 1924. Alors au milieu de sa septième décennie, Santiago retourna à Washington D.C. et fut un promoteur permanent de cette question. Il était un personnage de premier plan et a été fi lmé comme participant d’une autre délégation dans un des premiers fi lms d’actualité, le 27 octobre 1925, alors qu’il rencontre le maire « Sunny Jim » Rolph devant le bâtiment de la Société des Nations à San Francisco pour protester en faveur des droits de propriété et en matière d’eau des Pueblo. Conséquence de son activisme, Santiago devint une fi gure bien connue dans les médias nationaux et l’un des Amérindiens de la première moitié du XXe siècle sur lequel on dispose de la documentation visuelle la plus fournie. Charismatique et ne passant pas inaperçu, il a clairement perçu le pouvoir des médias, et apparaît dans des photographies de Augustino Donati, Harrison Carter, Ina Sizer Cassidy, Jesse Neusbaum, T. Harrison Parkhurst et Wesley Bradfi eld, pour ne citer que ceux-là. Outre Balink, Gerald Cassidy le peint également, et son portrait de Santiago est toujours accroché dans l’Hôtel La Fonda de Santa Fe. Une autre image est accrochée dans la chambre du Conseil de Santa Clara Pueblo. La dernière image que nous connaissions de lui est un portrait par le photographe H. Armstrong Roberts datant d’environ 1940, qui le montre âgé de 91 ans. Il apparut sur une carte postale populaire portant la légende « Santiago Naranjo de Santa Clara, Patriarche Bien-aimé des Pueblo » (fi g. 6), un jugement hyperbolique mais qui donne une idée de la manière dont il fi nit par être perçu. On possède peu d’éléments sur les relations entre Balink et Santiago, mais on est en droit de penser qu’elles étaient étroites. Ils vivaient relativement près l’un de l’autre et Santiago apparaît dans au moins quatre tableaux de Balink. Comme ce dernier peignait d’après nature, cela signifi e qu’ils ont passé pas mal de temps ensemble, et Santiago n’aurait pas été très motivé pour le faire s’il n’avait trouvé le temps passé avec Balink plus que tolérable. Sur trois de ces quatre S’adressant à un comité du Congrès, Abeita était le seul à prendre la parole, mais la présence de la délégation Pueblo était signifi cative et ne passa pas inaperçue. Ce qui avait pour beaucoup aux États- Unis été une question obscure et mineure de territoire indien occupa une place de choix dans les nouvelles nationales, et devint une question d’intérêt national. Les délégués pueblo ont été largement photographiés à Washington D.C., et tout particulièrement à la Maison Blanche avec le Président Calvin Coolidge au centre du groupe (fi g. 7). Dans cette image, les délégués tiennent les cannes données à leurs villages par Abraham Lincoln (voir également fi g. 4) mais portent leurs coiffes de plumes des Plaines. Il est à noter que certaines d’entre elles sont composées de plumes de dinde plutôt que de plumes d’aigle, ce qui en fait des éléments de costumes plutôt que d’authentiques trophées. Un bref article du United Pueblos Quarterly Bulletin daté d’octobre 1940 indique qu’une copie de cette photographie était l’un des biens les plus précieux de Santiago. Ces efforts ainsi que d’autres menés contre la loi Bursum ne furent pas sans résultats. Il s’agissait de la première collaboration entre les Pueblo et la Taos Art Colony, qui bénéfi cia par ailleurs également de l’implication d’autres personnalités, dont Zane Gray et Roberts Fros, pour ne citer que deux noms. Ensemble ils vainquirent la loi. Il en résulta le Pueblo Lands Act de 1924, un compromis diffi cile entre la loi Bursum et les droits de propriété des Pueblo. L’amélioration de visibilité des droits des Amérindiens a également infl uencé le Président Coolidge dans la signature de l’Indian Citizen Act, une autre loi bien intentionnée mais imparfaite qui accorda tardivement la citoyenneté à tous les Amérindiens nés à l’intérieur des frontières des Étatsunis. En outre, il y eut un changement signifi catif dans leur perception par les Anglo-Américains et une bonne partie du monde, qui virent désormais les Amérindiens comme des peuples souverains avec des droits et des exigences territoriales légitimes. Ce faisant, la tempête médiatique qui a entouré la législation a également déplacé le paradigme de l’Amérindien dans la perception anglo-américaine depuis les cultures des Grandes Plaines, célèbres dans la mémoire populaire pour le bain de sang des guerres indiennes du XIXe siècle, vers les peuples Pueblo du Sud-Ouest colonisés et relativement pacifi ques. Les tendances des chefs Pueblo à adopter des éléments d’habillement des habitants FIG. 6 (CI-DESSOUS) : Santiago Naranjo de Santa Clara, Patriarche Bien-aimé des Pueblo. Vers 1940. Carte postale en couleur d’après une photo de H. Armstrong Roberts. 14 x 16,5 cm. National Color Postcard/E. C. Krupp Co., Milwaulkee. Collection de l’auteur. FIG. 7 (PAGE SUIVANTE, EN HAUT) : Groupe Schutz, délégation de Pueblo du Nouveau-Mexique à Washington DC, protestant contre la loi Bursum, le Président Calvin Coolidge au centre. 1923. Épreuve gélatino-argentique. 25,4 x 20,3 cm. Avec l’aimable autorisation des archives photo du Palace of the Governors (NMHM/DCA), neg. 047827. On note la présence de gouverneurs Pueblo et de membres du All-Pueblo Council dont Juan Avila (Sandia), Santiago Naranjo (Santa Clara), Martin Vigil (Tesuque), Sotero Ortiz (San Juan), Jose Alcario Montoya (Cochiti), et d’autres.


T84F_internet
To see the actual publication please follow the link above