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FIG. 18 (PAGE PRÉCÉDENTE) : Tabouret royal. Luba, RDC. Bois, perles de verre. H. : 46 cm. Galerie Ratton, Paris. FIG. 19 (À GAUCHE) : Tabouret royal. Luba, RDC. Bois. H. : 40,6 cm. New Orleans Museum of Art, legs de Victor Kiam, inv. 77.140. FIG. 20 (CI-DESSOUS) : Maternité. Luba, RDC. Bois. H. : 15 cm. Collection Furman. 119 est une femme », ils incluent bon nombre de ces références, suggérant, probablement pour les fi gures de maternité surtout, qu’une femme, considérée comme le roi, est la mère de tous les Luba. Un second trône (fi g. 19) fi gure une fois encore une femme agenouillée tenant son enfant prêt à téter avec son bras et sa main gauches, tout en soutenant de la main droite le siège arrondi reposant sur sa tête. Cette composition est asymétrique : une interprétation dynamique à l’instar du rôle primordial et transformateur de la mère. Ces trônes faisaient également allusion à la succession des souverains au cours de l’histoire de la dynastie. Le pouvoir royal luba était aussi bien masculin que féminin, une réciprocité qui, ailleurs, est souvent symbolisée par deux fi gures distinctes. Les coupes luba sont souvent tenues par des fi gures féminines (rarement des maternités). Ce sont des contenants chargés spirituellement destinés à la fois aux chefs et aux devins de la cour (fi g. 21). Les porteuses de coupe sont supposées être les épouses des esprits qui possèdent le devin et lui transmettent leur pouvoir. Ces sculptures renforcent le concept de « femme en tant que contenant »31. L’enfant tétant souligne le rôle central des femmes de la famille royale en tant que mères des générations futures. Ces coupes contenaient de la craie, parfois des perles, plus d’autres substances médicinales magiques, ou nkishi, qui conféraient à la fi gure des vertus curatives et d’oracle. Bien entendu, ces contenus et les pratiques rituelles – de même que les coupes et les tabourets fi guratifs – évoquent et rappellent les processus rituels de guérison et de gouvernance. Les objets royaux mentionnés ci-dessus portent des motifs complexes de scarifi cation chéloïde, également visibles sur les quelques appuis-tête luba connus qui représentent une mère et son enfant (fi g. 22). Le bébé tète le sein de sa mère goulûment. Les Luba croyant que les seins abritent et protègent les secrets et les esprits royaux, l’image récurrente de l’enfant tétant pourrait renvoyer à la transmission de ces idées et pouvoirs sacrés d’une génération à la suivante. De tels « oreillers » étaient utilisés pour protéger la coiffure raffi née que portaient autrefois les hommes et les femmes luba pour signifi er leur rang. Siège de la puissance et de la sagesse, la tête est amplifi ée dans l’art. Dans la vie de tous les jours, son importance est signifi ée par la coiffure. Les scarifi cations que l’on remarque aussi sur d’autres objets royaux – porte-fl èches, bâtons, membre de la famille royale, qui faisait offi ce de support et représentait concrètement et métaphoriquement le siège de l’autorité. L’image du trône féminin représente peut-être une ancêtre fondatrice, ou tout au moins la femme qui devint l’incarnation de l’esprit d’un roi défunt. Emblèmes les plus importants de la royauté sacrée, les trônes sont rarement montrés. Ils sont plutôt conservés à l’écart de l’enceinte royale, enveloppés dans un tissu blanc et protégés dans des lieux secrets. Comme beaucoup de fi gures de maternité évoquées dans cet article, le véritable rôle d’un trône luba est multiple, et n’apparaît pas si l’on s’en tient à sa fonction première de « siège », soit de « support pour un corps »29. Ses connotations sont légion : un lieu de mémoire et d’autorité royales, l’incarnation de l’esprit du roi, un signe tangible d’ascendant spirituel, ou encore le site et l’instrument du rituel d’installation, c’est-à-dire l’emblème de ce processus fondamental. Le mot luba désignant le trône est kipona, un synonyme de kitenta, qui signifi e le sommet du pouvoir et de l’accomplissement. Ainsi, un trône conserve précieusement kitenta, l’essence et l’esprit de la royauté ancestrale et de la succession dynastique30. Lorsque les Luba déclarent : « Le roi MATERNITÉS EN AFRIQUE


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