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FEATURE 114 « Tout le monde est dans les mains de sa mère » et une chanson : « La force d’un homme lui vient de sa mère », une autre référence à ses attributs fadenya11. Le Gwan est une association d’initiation féminine dont le but est de promouvoir l’enfantement, mais elle regroupe également les forgerons qui sculptent les fi gures du Gwan. Autrement dit, le Gwan célèbre à la fois la naissance d’un enfant et la « mise au monde » métaphorique du fer par le four, le mot « gwan » signifi ant également « four de fusion »12. Les deux sculptures illustrées ici expriment par leurs formes des idées relevant de la fadenya et de la badenya. L’entité masculine (fi g. 9) tient sa longue lance pointée vers le haut, en la gardant détachée de son corps, tandis que la mère (fi g. 8), qui étreint son enfant en l’amenant sous ses seins volumineux, est une fi gure plus renfermée, contenue, maintenant stabilité et équilibre. La mère ne tient que son enfant, comme s’il était le prolongement de son utérus. L’identité et la nature de ces couples sculptés sont contestées. Ils matérialisent peut-être des divinités invisibles, dont les noms ne seraient pas prononcés13. Ils pourraient aussi incarner la force surnaturelle nyama, essentielle à la fertilité et la productivité des récoltes et des humains et, dès lors, à la prospérité. Cette dernière interprétation est implicite dans la thèse de Sarah Brett-Smith, selon laquelle la sculpture bamana est destinée à mobiliser les forces spirituelles dans le but d’assouvir le besoin le plus vital des individus, à savoir les enfants14. Le parallèle bamana entre le four de fusion explicitement féminin et donnant naissance au fer et une mère en train d’accoucher existe en outre dans plusieurs autres régions d’Afrique15. Les mystères qui entourent la transformation d’une nouvelle vie lors d’un accouchement ainsi que l’apparition d’une nouvelle substance précieuse, et tout aussi transformatrice, lors de la « naissance » de la loupe (le fer fondu) renforcent le processus profondément culturel de l’enfantement pour de nombreux peuples africains. L’attribution pratiquement universelle du terme « mère » à la terre d’Afrique contribue à expliquer ce parallèle16. En outre, ce sont les forgerons qui « donnent naissance » aux sculptures. LA DÉESSE MÈRE CHEZ LES SENUFO Certains groupes senufo de Côte d’Ivoire vénèrent la déesse Mère, à qui l’on attribue la création de ce qui est essentiel pour certains sous-groupes senufo17 (fi g. 10, 12 et 13). En tant que première mère, elle


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