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DOSSIER 94 Courtois, venons-en au gros de la collecte par les explorateurs, missionnaires, administrateurs, commerçants, médecins, naturalistes, botanistes, etc. ayant séjourné dans la région. Ils n’ont rapporté chacun qu’une ou deux pièces. Ainsi, la femme d’un médecin militaire, Gabrielle Vassal, auteur de Mon séjour au Congo français12 a photographié deux objets, dont l’un a abouti au British Museum (fi g. 7a-b). Le major Percy H. G. Powell-Cotton, naturaliste anglais, fait exception car il a rapporté pas moins de six kébé-kébé de son voyage au Congo. Ils fi gurent dans le musée qu’est devenu son hôtel particulier en Angleterre13. Forcé de payer l’impôt en monnaie, un chef kuyu pouvait avoir à vendre ce qui normalement n’était pas un objet de commerce. Dès lors a commencé un artisanat directement pour les Blancs. En se développant, s’il a gardé les normes de la sculpture traditionnelle, il en a éliminé la force et la vie. Sans invoquer une perte de savoir-faire, on comprendra que l’intention de plaire aux acheteurs et le fait de maintenir les caractéristiques pour un rituel effi cace n’a pas relevé de la même démarche. Cet artisanat a duré ce qu’a duré une colonisation qui facilitait les échanges et les voyages. Il a décliné en même temps que les diffi cultés de transport et la raréfaction des amateurs. En 1984, il n’y avait que quatre Blancs à Owando (préfecture de la région de la Cuvette), et quelques rares coopérants en brousse. Aujourd’hui, c’est dans les grandes villes que s’est établi un « prêt à exporter » pour les touristes de passage ou pour des revendeurs dans les capitales occidentales. Reste dans les villages la production traditionnelle, pour les besoins locaux des cérémonies et des fêtes : initiations, mariages, joutes entre villages, etc. Le distinguo ne doit pas faire croire que les kébékébé à usage local n’ont pas évolué. Ils ont gardé leur force tant que la danse est restée fi dèle à sa fonction d’origine : incarner une cosmogonie. En revanche, un développement en tant que performance pour toute occasion n’est pas allé sans altérer les objets, comme en témoigne le nombre signifi catif de pièces sans grande qualité formelle. Initialement limité à la représentation d’entités cosmogoniques14, le panthéon des kébé-kébé s’est en effet enrichi de fi gures telles que Pierre Savorgnan de Brazza15, le général De Gaulle, le président Marien Ngouabi ou encore l’actuel président de la République du Congo Denis Sassou Nguesso16 (fi g. 9), témoignant d’un glissement du temps cyclique


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