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MUSÉE à la Une 66 mais aussi l’émergence de nouvelles spiritualités chrétiennes en Afrique centrale au tournant du XXIe siècle. Didactique, l’exposition n’en est pas moins résolument esthétique, comme en témoigne la beauté sensible de la centaine d’oeuvres exposées ou la poésie qui émane des accrochages par groupes d’objets de même typologie, et notamment dans les vitrines consacrées aux crucifi x ayant exercé, du moins sur nous, un charme durable… Afi n de revivre Du Jourdain au Congo ou de susciter l’envie chez ceux qui ne s’y seraient pas rendus d’aller la voir, retour sur cette exposition atypique avec son commissaire Julien Volper, docteur en histoire de l’art, conservateur au service Patrimoines du Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren et maître de conférences au Centre d’anthropologie culturelle de l’Université Libre de Bruxelles. cultures, les idées ou, tout simplement, les sensibilités. En effet, si Éclectique, une collection du XXIe siècle – largement présentée dans notre édition hiver – explore l’univers particulier d’un collectionneur, Marc Ladreit de Lacharrière, né au contact d’oeuvres d’Afrique et d’Océanie, entre autres, l’exposition Du Jourdain au Congo, dont il sera question ici, s’intéresse quant à elle aux créations matérielles issues d’une autre rencontre survenue voici plus de cinq siècles déjà : celle des peuples d’Afrique centrale et du christianisme. Audacieuse par sa thématique – ni les sujets touchant au christianisme, ni les arts de contact ayant perdu une part de leur africanité ne sont, a priori, ce qui intéresse le plus le public féru d’« art tribal » –, cette exposition l’est également par son parti pris muséographique. Alors que beaucoup d’initiatives muséales suivent la règle non écrite de l’économie maximale d’éléments explicatifs au profi t d’une expérience sensible directe pour le visiteur, Du Jourdain au Congo revendique l’idée trop souvent oubliée que comprendre permet de mieux apprécier ! Aussi, l’exposition inclut-elle foison de cartels explicatifs mettant en lumière les objets présentés dans les salles et s’articule-t-elle autour de notions simples et dûment glosées, telles que les circonstances des premiers contacts avec les Européens, les motifs de la croix et du Christ ainsi que les vierges et les saints dans l’art kongo, les infl uences chrétiennes chez les peuples voisins, D’aucuns pourraient croire qu’après avoir réalisé près de cent expositions temporaires en dix ans d’existence, le musée du quai Branly – Jacques Chirac a perdu un peu de sa capacité à retenir le souffl e du visiteur. En effet, aussi vaste que soit le domaine de l’art tribal, il semble diffi cile de multiplier à l’infi ni les éclairages et de renouveler les thématiques avec le même succès auprès du grand public et de l’exigeante communauté d’amateurs éclairés et de spécialistes qui se rendent en masse au quai Branly. Et pourtant, une visite de la mezzanine Est suffi t pour se rendre à l’évidence. Cet établissement n’a pas fi ni de nous surprendre. Aux antipodes dans leurs sujets et leurs approches, les deux expositions qui y sont présentées jusqu’au 4 avril composent, ensemble, un manifeste en faveur du pouvoir créateur de la rencontre entre les Du Jourdain au Congo Rencontres et métissages dans les croyances et les arts Par Elena Martínez-Jacquet


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