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144 QUAND UN MASQUE N’EN N’EST PAS UN FIG. 1 (À GAUCHE) : Adam Fuss disposant des serpents sur un scanner. Avec l’aimable autorisation de Brian Buckley. Pour toutes les photographies d’Adam Fuss illustrées dans cet article : Sans titre, 2004-2006. Épreuve gélatino-argentique, photogramme unique. 50,8 x 40,64 cm. Avec l’aimable autorisation de Cheim & Read et Hunt Fine Arts. FIG. 2 (À DROITE) Pas entièrement satisfait des images qu’il obtenait au moyen d’un appareil conventionnel, Adam Fuss se passe pour la première fois de l’objectif en 1984, créant une série de photos d’art statuaire classique « prises » à l’aide d’un sténopé artisanal. C’est alors qu’une fuite providentielle de liquide dans le corps en carton de l’appareil et l’image mystifi ante et mystique qui en résulte l’éveillent aux photogrammes. Il s’agit d’une technique mise au point par des pionniers de la photographie comme William Henry Fox Talbot et Anna Atkins, puis revisitée par les artistes de l’entre-deuxguerres, dont Man Ray et Lazlo Moholy-Nagy. Fuss devient le chef de fi le d’une « troisième vague » de photographes-artistes travaillant sans appareil, dont Susan Derges, Christopher Bucklow et Marco Breuer viendront grossir les rangs. La série de Fuss consacrée aux masques tribaux, créée pour l’essentiel entre 2004 et 2006, ne représente qu’une facette d’un ensemble de travaux divers acclamés par la critique. Ses oeuvres sont abritées au Museum of Modern Art, au Metropolitan Museum et au Whitney Museum à New York, au Los Angeles County Museum, au San Francisco Museum of Modern Art, au Victoria and Albert Museum de Londres, à l’Israel Museum, à l’Australian National Gallery de Canberra et dans bien d’autres institutions et collections privées majeures. Son travail a largement été exposé dans des musées et des galeries d’art du monde entier. Les photogrammes d’ADAM FUSS Propos recueillis par Timothy Hunt Tim Hunt : La série sur les masques est l’une des rares fois où vous avez pris comme sujet un objet fabriqué par l’homme dans le cadre de votre travail sans appareil. Qu’est-ce qui vous a inspiré cette série ? Adam Fuss : Je dînais chez un ami, cela devait être en 1992, et je n’arrêtais pas de regarder un masque de l’Himalaya qu’il avait au mur en me disant que je pourrais en faire un photogramme… Je l’ai emprunté et j’ai réalisé un certain nombre d’images différentes. T. H. : Cet objet vous a-t-il simplement séduit par son potentiel visuel ou étiez-vous déjà intéressé par les masques et les mascarades ? A. F. : J’avais lu et apprécié quelques-uns des ouvrages de Joseph Campbell, notamment Le héros aux mille et un visages, et je m’intéressais à tout ce qui se rapportait au monde « tribal ». Par ailleurs, j’avais déjà eu l’occasion de voir certains masques inuit qui m’avaient réellement impressionné. Disons que c’était probablement un peu des deux. J’admire particulièrement aussi Persona d’Ingmar Bergman, dont le mot anglais du titre renvoie également au mot latin désignant le « masque ». Ce fi lm montre le moment où l’actrice dévoile son identité, en retirant son « masque ». Le masque renvoie, ici, à l’idée que nous ne sommes pas ceux ou ce que nous pensons être. Le masque est aussi un objet qui PORTFOLIO


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