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LES CADEAUX DE PAKOKO 143 FIG. 12 (CI-DESSOUS) : Ornement de tête paè kou a èhi. Ua Pou, îles Marquises. Début du XIXe siècle. Feuilles de palmier, bambou, noix de coco et autres fi bres végétales. Collecté par Pierre-Adolphe Lesson entre 1843 et 1844. Musée d’Art et d’Histoire, Rochefort, France, inv. E.22.181. tatouages illuminant sa peau teinte en jaune au moyen d’huile de noix de coco imprégnée d’èka, le précieux safran local (Curcuma longa). Il tient dans une main son éventail de prestige, tandis que l’autre repose sur un bâton cérémoniel qui le dépasse de plus de soixante centimètres. Bien qu’il ne s’agisse pas de la parahua offerte à Rohr, qui avait quitté les Marquises trois mois auparavant, c’était vraisemblablement l’exemplaire le plus imposant qu’il possédait. Pakoko choisit la fusillade plutôt que la pendaison. Il veut passer par les armes, comme un guerrier. Il livre alors ses dernières paroles : « Vous les Français faites bien de vous venger pour la mort de vos soldats. Quant à moi, j’ai utilisé du sang français pour nettoyer la poussière avec laquelle votre prison avait souillé mes fi lles » (Radiguet 1929 : 228). Des centaines de Marquisiens assistent à l’exécution, qui constitue encore aujourd’hui un souvenir douloureux. Le son même de la salve tirée était chargé de sens. Comme Dening l’a merveilleusement écrit, le tonnerre avait toujours représenté pour les Marquisiens un « signe annonçant la venue d’Aoe (l’Occidental) … parce qu’il présageait le grondement de ses canons et ses mousquets. Désormais, il serait synonyme d’une sorte de résurrection d’un espoir perdu » (Dening 1980 : 221-222). Peu de temps après, Ginoux, installé à Tahiti, reçut simultanément la nouvelle de la mort de Pakoko ainsi que ses ornements rituels en cheveux. Un cadeau d’adieu de son ami, le chef guerrier. Nous tenons à remercier Véronique Mu-Liepmann, Anthony J.-P. Meyer, Jacques Pelleau et Claude Stefani. NOTES 1. C’est à cette époque qu’Herman Melville déserte et s’enfuit dans la vallée des Taïpi. Melville relate ses aventures dans son premier roman, Typee, publié en 1846. 2. Le Fort Collet, conçu par Rohr, a été nommé en l’honneur du père du capitaine Collet. 3. Ginoux s’installera à Tahiti en novembre 1843 et y restera jusqu’en 1846. Il se peut qu’il soit retourné à Nuku Hiva au cours des années suivantes. 4. Ginoux décrit les ornements composés de cheveux et Pakoko aux pages 83 à 89 de son important journal. 5. Pour les événements relatés ci-dessous, voir Dening, 218- 222, Radiguet, 223-228, et Ginoux, 86-89. 6. L’éditeur du journal de Ginoux, Frédéric de la Grandville, précise en note, d’après le rapport offi cial de l’armée française, que trois furent tués tandis que deux parvinrent à s’échapper (Ginoux, 88). RÉFÉRENCES Dening, Greg, 1980. Islands and Beaches. Discourse on a Silent Land: Marquesas 1774-1880, University Press of Hawaii, Honolulu. Ginoux, Edmond de, 2001. Ethnologue en Polynésie française dans les années 1840. F. de la Grandville (ed.), Paris : L’Harmattan. Radiguet, Max, 1929. Les derniers sauvages : la vie et les moeurs aux îles Marquises (1842–1859). Paris : Duchartre et van Bugenhoudt. FIG. 14 (CI-DESSOUS) : Max Radiguet, Nuku Hiva, 1843, « Pakoko au centre, à gauche Iotete (?), à droite l’amiral Dupetit-Thouars ». Crayon. Service historique de la Défense, Vincennes, France, inv. MS 583, vol. 2, nº 14. FIG. 13 (CI-DESSUS) : Jean Daniel Rohr, portrait de Pakoko, 1842-1844. Encre. Collection de Michel, Denis et Françoise Rohr. © Musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo de Claude Germain.


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