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ART + LOI 120 FIG. 2 : « Pierre Kiva ». Anasazi, site inconnu, sud de l’Utah, sud-ouest du Colorado, nord-ouest du Nouveau-Mexique ou nord de l’Arizona. 200-1300 apr. J.-C. Pierre et pigments. H. : 18,2 cm. Acquise en 2007 à un salon d’art auprès d’un marchand agissant pour le compte d’un collectionneur privé. Collection privée. Cet objet illustre un certain nombre de zones d’ombre contenues dans la loi STOP. La NAGPRA ne reconnaît pas d’affi liation culturelle contemporaine avec le groupe culturel ancien généralement dénommé Anasazi, en partie parce qu’aucune continuité historique n’est avérée. Ce nom dérive du mot navajo anaasází, qui signifi e « ancêtres ennemis ou étrangers », un exonyme imprécis qui ne permet pas l’identifi cation d’un ou de plusieurs peuples spécifi ques. Sur le plan artistique, cet objet est associé aux traditions de poterie anasazi, mais le lieu exact de sa découverte (terres fédérales, indiennes ou privées ?) ainsi que son origine culturelle sont inconnus. Étant donné que l’on ignore quelle était exactement la fi nalité de cette pierre, il est peu probable qu’elle ait été soumise aux restrictions proposées par la loi STOP concernant les objets « actuellement » sacrés. Néanmoins, certaines tribus d’Amérindiens ont le sentiment que des objets anasazi de ce genre devraient être restitués à la communauté tribale régionale la plus proche, ce qui signifi e que cette pierre est susceptible de faire l’objet d’une réclamation, qu’elle soit fondée ou non. Heureusement, la loi TAAR a été rejetée au terme de la session du Congrès en 2016. Son principal artisan, le sénateur de l’Illinois Mark Kirk, n’a pas été réélu et ne la resoumettra pas. Néanmoins, les militants anti-commerce, qui maîtrisent parfaitement les rouages du système médiatique, continuent de propager la théorie du commerce illicite d’objets d’art soutenu par des réseaux à l’échelle mondiale. Les collectionneurs et les marchands doivent dès lors se montrer vigilants et prêts à exposer les faits au Congrès et au grand public. LE SAFEGUARD TRIBAL OBJECTS OF PATRIMONY ACT (STOP ACT) La colère des Indiens d’Amérique, nées de leur incapacité à empêcher la vente aux enchères à Paris d’objets cérémoniels, ont incité les sénateurs et les membres du Congrès américain, en particulier ceux du Sud-Ouest, à soumettre deux propositions de loi en 2016 : la S. 3127 et la H.5854, connues sous l’appellation STOP Act. Ce projet de loi modifi ait la Native American Graves Protection and Repatriation Act (NAGPRA) visant à interdire l’exportation d’objets amérindiens et hawaïens considérés comme patrimoine culturel tribal. La loi STOP différait considérablement des lois limitant l’exportation d’artefacts cérémoniels indigènes. Pour bon nombre de tribus aux États-Unis, il est interdit d’identifi er ou de photographier des objets cérémoniels ou de décrire ce qui les différencie des objets profanes. En outre, les membres de la tribu qui n’ont pas reçu de formation appropriée ne sont même pas autorisés à connaître les caractéristiques d’un objet de cérémonie. Par conséquent, il s’avère complexe d’expliquer à de simples citoyens ce qui constitue une violation de la loi. Selon la NAGPRA, le patrimoine culturel tribal se défi nit comme un objet qui possède une signifi cation religieuse et cérémonielle pour une tribu aujourd’hui. En général, la NAGPRA ne s’applique qu’aux objets collectés après 1990, ou à ceux qui sont abrités dans des musées faisant l’objet d’un fi nancement fédéral. La loi STOP aurait toutefois été plus loin en rendant illégal le fait d’exporter depuis les États-Unis, en toute connaissance de cause, tout « objet culturel » obtenu en violation de l’Archaeological Resources Protection Act (ARPA). L’ARPA défi nit les « objets culturels » en termes généraux, comme un vestige matériel témoignant d’une vie humaine ou d’activités humaines passées de plus de cent ans, des paniers aux couvertures. Il s’agit donc d’un critère évolutif qui s’applique aujourd’hui aux objets créés jusqu’en 2016. criminalisé le commerce américain même si le pays étranger en autorisait le commerce intérieur. La loi TAAR proposait aussi de réduire le seuil de valeur stipulé par le National Stolen Property Act de cinq mille à cinquante dollars pour des biens culturels. Vu que le simple fait de détenir un objet volé est également illégal, des millions de propriétaires, du collectionneur à l’administrateur de musée, seraient devenus des criminels du jour au lendemain, coupables de posséder de l’art, des artefacts et de simples antiquités provenant d’un pays ayant adopté une quelconque loi limitant l’exportation. La notion de bien culturel incluse dans la loi TAAR était très vaste et englobait les spécimens de faune, de fl ore, de minéraux et d’anatomie ; les fossiles ; les objets archéologiques ; les antiquités ; les pièces de monnaie ; les objets ethnographiques ; les peintures et dessins ; la sculpture ; les gravures ; les estampes et lithographies ; les manuscrits ; les livres anciens ; les timbres ; les archives sonores, photographiques et cinématographiques ; le mobilier datant de plus de cent ans ; les instruments de musique... et bien d’autres encore. La loi TAAR aurait permis aux agences fédérales, pratiquement à leur seule discrétion, de saisir et de rapatrier de tels objets, vendus, achetés et exposés depuis longtemps, en s’appuyant uniquement sur l’hypothèse selon laquelle ils ont quitté leur pays d’origine à un moment passé déterminé. Peu de musées, de collectionneurs ou de marchands d’art auraient pu ou souhaité se défendre devant les tribunaux.


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