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105 globale sur leur culture depuis Alfred Poupon. Ses observations suffi sent-elles un siècle après ? Non, car l’administrateur n’a fait que décrire, et la situation des Kuyu a évolué. Dans leur cas, doit-on parler d’évolution ou d’assimilation51? Sur le terrain nous avons constaté en 1984 que des chefs et des sculpteurs kuyu ne reconnaissaient plus les styles I et II comme appartenant à leur culture et même, concernant les kébé-kébé du style III, que le décryptage d’après photos n’était pas évident pour eux. Il faut bien s’y résoudre, la chaîne de la transmission est rompue. Les grands témoins kuyu ont presque tous disparu du champ de la Parole. Dans ces conditions, un chercheur occidental ne peut pas espérer rencontrer un interlocuteur qui ait une vue globale, comme Marcel Griaule en a bénéfi cié chez les Dogon. Bien sûr une nouvelle étude de terrain pourrait obtenir des éléments susceptibles de garder des traces plus ou moins « résonnantes », mais l’exégèse ne pourra bientôt se faire qu’à travers le fi ltre mbochi, comme en témoigne le catalogue du musée du bassin du Congo et l’ouvrage d’E. Okamba, en 2012. Reste-t-il des gisements inexploités qui pourraient faire le lien ? Rappelons que les archives de l’ORSTOM52 de Brazzaville ont été détruites pendant les guerres civiles dans les années 1990. Quant aux archives d’Aix-en-Provence, elles renseignent sur la pénétration du Haut-Congo, les expéditions, la cartographie, les rapports de l’Administration coloniale. Nourrissantes pour l’historien, le géographe, l’économiste, elles laissent l’anthropologue sur sa faim. On peut espérer des trésors d’information sur la société kuyu, sinon dans les textes, en tout cas à travers les photos et les enregistrements du musicologue Herbert Pepper. Il les a laissés à l’ORSTOM quand il a pris sa retraite, mais cette institution n’a pour l’instant rendu consultables que ses documents sur le Gabon. Quant aux archives du géographe Gilles Sautter, elles restent globalement inaccessibles. La reconstitution d’une cosmogonie kuyu d’origine relève autant d’une démarche de paléontologue que d’anthropologue. En attendant un déblocage de ces sources, il ne reste qu’à déduire l’ensemble du squelette des quelques os dont on dispose. Ce sera l’objet d’une prochaine publication.


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