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ROBERT LEBEL l’un de ces masques a appartenu à Breton. D’autres dessins montrent des objets issus de la galerie de Carlebach, la Heye Foundation, l’American Museum of Natural History, le National Museum of Canada, le Penn Museum et l’université de Californie à Berkeley. Plusieurs de ces objets, notamment ceux de l’université de Californie, fi gurent dans le catalogue de l’exposition Indian Art of the United States (1941 au MoMA), dont le catalogue servit certainement d’inspiration à ses croquis, à en juger par les ressemblances relevées, notamment au niveau des angles. Si l’objectif du carnet avait simplement consisté à documenter les acquisitions des amis de Lebel, il n’y aurait eu aucun intérêt à y inclure des objets muséaux. Or, nous savons que Lebel, Breton et Duthuit avaient prévu de faire un livre sur l’art arctique. Le projet échoua par manque de soutien. Il semblerait que les notes du carnet de dessins de Lebel aient été destinées à ce projet de publication. Deux personnes en sont certainement les auteurs, car on y remarque certains passages modifi és par une écriture clairement différente. Quant aux illustrations, elles ont sans doute été réalisées par plusieurs auteurs. L’existence d’un second carnet comprenant treize pages rédigées par Lebel dans son écriture illisible et comprenant des notes sur des sources publiées, des informations ethnographiques et des points de vue surréalistes sur les masques arctiques alimentent l’idée qu’il s’agissait là d’un travail préparatoire à un ouvrage d’envergure. D’après les éléments qui subsistent, ce livre surréaliste sur les masques yup’ik aurait manifestement été remarquable. Pour plus d’informations : Collection Robert Lebel, Paris : Calmels Cohen, 2006. Yves le Fur (éd.), Hommage aux donateurs. Paris : musée du quai Branly - Jacques Chirac/Éditions Xavier Barral, 2016. 147 aucune valeur à ces masques pourtant extraordinaires. Précisons néanmoins que, contrairement à la légende, Heye n’a pas laissé les surréalistes piller la collection. En réalité, étant donné que la plupart des masques yup’ik étaient créés par paires, Heye acceptait de se défaire d’un exemplaire et conservait généralement l’autre ; aussi les masques sont-ils aujourd’hui au National Museum of the American Indian, Smithsonian Institution. Edmund Carpenter a rappelé que seulement quinze masques environ avaient été achetés directement au musée et que les nombreux autres consignés par Lebel avaient probablement été fournis par Carlebach grâce à l’entremise de Heye, bien qu’au moins un exemplaire le fût par Ratton (fi g. 16). Les dessins du carnet de Lebel furent publiés pour la première fois par Ann Fienup-Riorden dans son excellent livre de 1996 The living tradition of Yup’ik masks: Agayuliyararput. L’analyse du carnet en question révèle de nouvelles informations. Les dates d’acquisition ne sont pas indiquées, mais nous savons que la plupart des individus concernés ne furent à New York qu’entre 1941 et 1945. Par ailleurs, plusieurs de ces oeuvres furent publiées dans le quatrième numéro de la revue surréaliste VVV en février 1944, ce qui laisse penser qu’elles avaient déjà été achetées à cette période. Sur les cinquantehuit dessins de Lebel, trente-neuf illustrent des oeuvres censées appartenir à ses amis et à lui-même. Auncun de propriétaire n’est donné pour plusieurs de dessins restants, même si l’on sait désormais qu’au moins FIG. 16a-b : Carnet de Lebel, feuillet 54. Yu’pik, fl euve Yukon ou Kuskoquim, Alaska. Début du XXe siècle. Bois, plumes et pigment. H. : 50 cm. Prov. : Museum of the American Indian, Heye Foundation, New York ; Charles Ratton, Paris, 1931 ou 1932 ; Dolores Vanetti, New York ; André Breton, Paris, 1935 ou 1943/1944. Association Atelier André Breton, Paris, no d’inv. 4752000. Photo : Benjamin Krebs, © AAAB/ MCHM. Remarque : Ce masque fi gura dans l’Exposition du Surréaliste d’Objet, à la galerie Charles Ratton, Paris, en mai 1936 (voir fi g. 1).


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