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FEATURE 108 celui qui était le plus souvent interrogé sur leur activité de collectionneurs. Cependant, lors de l’un des rares entretiens qu’elle accorda, Amalie relata quelques anecdotes savoureuses sur sa propre expérience8. Alors qu’elle marchait dans une rue du centre de Copenhague, elle vit des enfants jouer avec ce qui semblait être des poupées. Elle s’aperçut ensuite qu’il s’agissait en réalité de deux très belles tasses kuba en bois, sculptées en forme de tête. Elle contacta les parents des enfants, qui lui révélèrent que ces tasses provenaient d’un parent éloigné qui avait été marin. Amalie acheta les deux tasses. Ailleurs à Copenhague, tandis qu’elle visitait une ancienne propriété, elle découvrit au grenier une boîte contenant des textiles du Kasaï, diffi cilement identifi ables tant ils étaient couverts de suie et de crasse. Pour reprendre ses termes : « Ils étaient aussi sales que du fumier. » L’assurance d’Amalie dans de telles situations contribua à enrichir la collection du couple et fut déterminante pour le développement d’une sous-collection de textiles du Kasaï, pour laquelle elle manifestait un intérêt particulier (fi g. 2). La majorité des objets des Kjersmeier furent acquis lors de voyages en France, en Belgique, en Allemagne et en Angleterre, dans des ventes aux enchères et au moyen d’échanges auprès de marchands ou de particuliers. Chaque nouvel objet était systématiquement soumis à une analyse rigoureuse portant sur son type, sa qualité artistique et son contexte culturel. La plupart des pièces formant le coeur de la collection furent acquises durant les années 1920 et 1930. Les époux Kjersmeier constituèrent également une bibliothèque considérable et constamment enrichie, comptant des publications internationales sur l’art africain et des revues d’art. En 1929, dans un entretien accordé au journal local Vejle Amts Avis, Kjersmeier parle de sa collection et de sa passion pour l’art africain, mentionnant sa puissance, son originalité et surtout son pouvoir évocateur9. Son enthousiasme et son éloquence laissent transparaître le poète qui sommeille en lui. Sensible au caractère utilitaire des objets africains dans leur contexte culturel d’origine, Kjersmeier n’en n’est pas moins convaincu de leur dimension artistique. D’ailleurs, il s’opposait radicalement aux cercles d’art établis qui jugeaient l’art africain ridicule et insignifi ant. Cette prise de position débouchera plus tard sur un confl it avec la Mission danoise au Soudan, dont il réprouvait FIG. 5 (CI-CONTRE) : Vue d’une pièce de l’appartement des Kjersmeier présentant une partie de leur collection. Les tiroirs de gauche contenaient leur collection de poids en or Ashanti. © Nationalmuséet, Copenhague. FIG. 6 (CI-DESSOUS) : Vue du bureau de Carl Kjersmeier dans son appartement. © Nationalmuséet, Copenhague. Le cimier de danse posé à droite sur le meuble est conservé actuellement au Nationalmuséet de Copenhague. FIG. 7 (PAGE SUIVANTE) : Photo prise par Man Ray au cours de sa visite à Carl et Amalie Kjersmeier en 1933. Tirage argentique. 12 x 9 cm. Centre Pompidou, Paris, inv. AM 1994- 394 (530). Le cimier de danse qui apparaît à l’image correspond à celui en fi gure 30.


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