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DOSSIER Les Kuyu vivent au nord de l’actuelle 92 république du Congo de part et d’autre de la rivière Kuyu, au coeur de la Cuvette congolaise, dans une région de l’Afrique équatoriale restée à l’écart de l’infl uence musulmane et de la colonisation occidentale. Autrefois dominants, ils sont devenus minoritaires au sein du groupe mbochi dont ils sont l’une des composantes (fi g. 1). Longtemps connu pour ses têtes emmanchées, sortes de marottes dites kébé-kébé, le corpus kuyu comprend aussi des têtes et des bustes anthropomorphes, des statues, des casques-heaumes, soit au total quelque quatre cents pièces répertoriées, sans compter les tabourets, instruments de musique, boucliers ainsi que des armes. Le style III, le plus récent, comprend le plus grand nombre d’objets sculptés. Toujours en production, il inclut à la fois des pièces kuyu et mbochi. Plus archaïques et spécifi quement kuyu, les styles I et II ne comprennent respectivement que quarante et seize pièces. provenance inconnue. Des plus anciens dans le style III, il n’est pas pour autant des plus anciens dans le corpus, les objets des styles I (fi g. 3) et II (fi g. 4), plus archaïques, ayant été divulgués après lui. Les marottes qu’a rapportées le capitaine Périquet en traversant le Congo du nord au sud dans la même période2 sont également du style III, tout comme les trois objets reproduits dans l’Étude ethnographique de la tribu kouyou que publie en 1918-1919 l’administrateur Alfred Armand Poupon3. Sur le terrain dès 1904, après des études de « sociologie-science des primitifs-sciences religieuses », il a accumulé des notes sur les moeurs et les cérémonies mais ne s’est pas intéressé aux objets avec l’oeil d’un collectionneur. Le fait est qu’on ne trouve pas trace de lui par la suite dans les donations et les ventes de pièces kuyu. On dira le contraire de Georges Thomann4 et surtout d’Artistide Courtois5. Ces administrateurs n’ont laissé aucune publication mais ont collecté La découverte différée des objets KUYU Pourquoi une reconnaissance de leur valeur marchande et anthropologique a-t-elle attendu la fi n du XXe siècle qui, dès son début, s’est pourtant montré curieux de l’art africain ? Deux raisons à cela : les objets du style III ont longtemps monopolisé l’attention tandis que les plus anciens et les plus puissants étaient gardés en réserve du marché. Par ailleurs ni les uns ni les autres n’étaient en tout cas conformes aux attentes du regard occidental. DU DIRECT AU DIFFÉRÉ : DE LA COLLECTE AU MARCHÉ DE L’ART Une classifi cation établie en 1983, principalement selon la forme des manches et la forme des coiffes, a réparti le corpus répertorié en trois styles1. Le premier objet collecté connu, entré au musée de Bâle en 1909 (fi g. 2), est un kébé-kébé de Par Anne-Marie Bénézech FIG. 1 (CI-DESSOUS) : Carte du pays Kuyu et Mbochi. © Tribal Art magazine.


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