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HISTOIRE D'OBJET DES RELATIONS COMPLIQUÉES Lorsque les Français, conduits par l’amiral Abel Aubert Dupetit-Thouars, débarquent aux Marquises pour s’emparer de l’archipel en 1842, les insulaires du Nord entretiennent déjà des contacts avec des Occidentaux depuis cinquante ans. La baie de Taiohae, à Nuku Hiva, est alors le port le plus grand et le mieux situé de la région. Il devient un point névralgique pour les échanges avec les bateaux qui y accostent, ainsi que le lieu de rendez-vous avec les femmes qui marqueront la suite des événements. Les Marquisiens avaient jusqu’alors résisté à la conversion au christianisme et perpétuaient la majorité de leurs traditions religieuses, funéraires et sociales. 140 particulièrement envers le troisième rival, Temoana qui, enfant, avait hérité du titre de hakaìki nui, le chef suprême de l’île. Adolescent, ce dernier avait passé plusieurs années à effectuer des allers-retours entre les Marquises et l’Angleterre. À son retour, il avait repris son titre de hakaìki nui à coup de guerres et d’alliances forgées par des mariages. Il était perçu comme quelqu’un de vicieux et cruel, surtout lorsqu’il se trouvait sous l’emprise de l’alcool, ce qui était souvent le cas. Edmond de Ginoux, un journaliste qui s’était rendu aux Marquises pendant environ un mois en 1843, ne tarde pas à identifi er les diffi cultés éprouvées par les Français à préserver un certain équilibre parmi ces trois rivaux. Il décrit comment ils « fl attent la vanité du roi Temoana, courtisent le grand prêtre Veketou », tout en témoignant leur « sympathie secrète » au chef des guerriers, « le plus méritant » (Ginoux 2001 : 84). Supervisés par la marine française, les centres administratifs coloniaux sont établis en juin 1842 à Vaitahu sur l’île de Tahuata au sud de l’archipel et à Taiohae dans le Nord. Sur Nuku Hiva, les relations entre Français et Marquisiens sont relativement cordiales durant les premières années du régime colonial, chaque partie se contentant de vivre dans son coin (Radiguet 1929 : 223-228). Parmi les hommes qui servent aux Marquises pendant les années 1840, beaucoup tiennent des journaux À cette époque, trois rivaux se disputaient le pouvoir sur Nuku Hiva (fi g. 8), parmi lesquels Pakoko. Né à la fi n du XVIIIe siècle, il avait émergé de la classe la plus basse, celle des domestiques sans terre appelés kikino, pour devenir le guerrier le plus haut placé de la tribu Teii, établie autour de la baie de Taiohae. Il était également le chef de clan de trois des six vallées de Taiohae : Havau, Pakiu et Hikoei. En 1841, alors qu’il avait dépassé la cinquantaine, Pakoko était toujours aussi impressionnant en raison de sa stature imposante, des tatouages lui recouvrant l’intégralité du corps et de sa réputation d’homme aussi courageux que cruel. Le second prétendant se nommait Veketou, le prêtre rituel le plus infl uent de la région. Âgé d’environ quatre-vingts ans, il était réputé pour son intelligence, son ambition et sa jalousie, FIG. 7 (À DROITE) : Portrait de Jean Daniel Rohr. Huile sur toile. Collection de Michel, Denis et Françoise Rohr. Photo : Véronique Mu-Liepmann. FIG. 8 (CI-DESSOUS) : René Guillotin, 1844, « Pacoco Pakoko à gauche, Temoana en haut au centre, Veketou, à gauche. En-dessous de Temoana, sa femme Taïaoco Tahiaoko ». Aquarelle et crayon. Collection Anthony JP Meyer, Paris. FIG. 9 (PAGE SUIVANTE, EN HAUT) : Max Radiguet, 1842, « Baie de Taiohae, Nuku Hiva, le Fort Collet à gauche, un campement militaire au centre ». Crayon. Service historique de la Défense, Vincennes, France, inv. MS 583, vol. 2, nº 23.


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