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a conforté une théorie élaborée en Côte d’Ivoire ou à Madagascar, mes terrains de jeu habituels, selon laquelle il est souvent illusoire d’associer de manière défi nitive et péremptoire des oeuvres à une ethnie particulière, a fortiori à la localité d’origine d’un hypothétique maître. Plus encore que chez les Bété et les Guro dont les emprunts réciproques rendent diffi cile une recherche en paternité artistique, une telle tentative s’avère quasiment impossible dans cette région du Gabon. L’intime proximité naturelle des populations eshira, sango, vuvi, tsogho, apindji est avérée dès les années 1860 par du Chaillu, l’enchevêtrement de leurs villages confi rmé au début du XXe siècle par le recensement de l’administrateur Bruel ou les récits de voyage des missionnaires du Saint-Esprit. À l’époque coloniale, les déplacements de population pour raison économique ou politique ont ensuite défi nitivement contribué à brouiller les cartes. Tout au plus un ensemble statistiquement signifi catif de « bustes avec bras » (fi g. 6) harmonieusement réparti aux quatre coins du territoire des Tsogho permet d’attribuer à ces derniers ce type très particulier de reliquaire. Il serait donc plus raisonnable d’emprunter à l’historien d’art Carl Kjersmeier le terme de « centre de styles » pour qualifi er la manière sculpturale au centre sud du Gabon. T. A. M. : Enfi n, avec un texte consacré aux missionnaires du Saint-Esprit et une partie présentant des albums photographiques et des notes biographiques FIG. 4 (À GAUCHE) : Statuette féminine, « La femme âgée ». Tsogho, Gabon. Pièce reproduite en fi g. 166 et 167, p. 192 et 193. FIG. 5 (À DROITE) : Doubles pages 28-29 et 174-175 de Tsogho. Les icônes du bwiti. FIG. 6 (EN BAS À DROITE) : Statuette de Mougamou. Tsogho, Gabon. Pièce reproduite p. 68 et en fi g. 48 et 49, p. 71. sur Jean-Claude Andrault ou encore Georges Vidal, le livre rend hommage à certaines personnalités de terrain. En quoi leurs expériences ont-elles nourri votre compréhension de la statuaire tsogho ? B. G. : La démarche qui est la mienne s’apparente à celle d’un historien d’art, au sens premier du terme, et me conduit à fréquenter désormais plus régulièrement les archives que le « terrain » proprement dit. Les oeuvres que, vous comme moi, sommes susceptibles d’étudier et qui recueillent les faveurs des amateurs ont, entre autres caractéristiques, celle d’avoir vécu dans un passé lointain. Le témoignage des pionniers, sous forme de descriptions écrites, de photos ou d’objets qu’ils ont pu collecter, permet de préciser l’apparence de la statuaire à une époque où ni les premiers balbutiements du marché ni d’importunes infl uences occidentales n’avaient commencé à la dénaturer. Par ailleurs, la personnalité, parfois remarquable, souvent insolite, de ces premiers curieux et les raisons qui les ont amenés à s’intéresser à la culture matérielle des populations qu’ils rencontraient méritent notre attention. Quoique plus récentes, les photos des années 1960 prises par Jean-Claude Andrault et Georges Vidal ont le mérite de replacer dans le contexte de l’époque l’art de ces populations enclavées que les deux hommes ont contribué à nous faire connaître. Nous avons donc trouvé doublement utile de leur rendre hommage et nous remercions leurs familles de nous avoir permis de publier ces documents inappréciables.


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