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L’ART KUYU FIG. 14 (CI-DESSOUS) : Statue féminine d’Ebongo (style III). Kuyu, Congo. Bois. H. : 68 cm. Musée d’ethnographie de Genève, ETHAF 0443945. Don d’Émile Chambon. © MEG, photo : J. Watts. 99 oeuvres restent dans les réserves, sans être exposées jusqu’à nos jours. Les musées français, eux, ne font pas d’acquisition. Ils se contentent de recevoir des donations et du style III uniquement33. Ils récupèrent aussi les kébé-kébé de commande des expositions universelles, c’est-à-dire des objets de complaisance à l’exotisme. Seules quelques pièces kuyu auront été exposées en permanence, au musée de l’Homme, dans un bric-à-brac de provenances diverses. ... De l’après-guerre au musée Dapper... Après la guerre, le marché de l’art africain repart et se développe en même temps que le nombre des collectionneurs. Dès les années 1970 et jusqu’en 1991, le commissaire priseur Guy Loudmer se rend célèbre en animant des ventes qui remplissent les salles de l’hôtel Drouot. Cette attraction parisienne séduit également les collectionneurs étrangers. L’ambiance conviviale permet de savoir qui achète quoi et de se congratuler. L’euphorie s’alimente d’une profusion d’objets à prix abordables, pour la plupart venant des anciennes colonies françaises. Les grandes pièces kuyu n’y participent pas ; seuls les objets du style III alimentent les ventes et encore au compte-gouttes34. Ils paraissent néanmoins régulièrement dans les livres, les revues, les expositions, les musées, tandis qu’entre 1976 et 1986 les objets des styles I et II ne sont plus reproduits ; ces derniers restent toujours dans les réserves de Charles Ratton et de la famille Vérité. Le premier, si prosélyte par ailleurs des « arts premiers », reste particulièrement discret en ce qui concerne ses objets kuyu. Sur les douze qu’il gardera jusqu’à sa mort, il n’en a montré que quatre dans des publications. Quatre pièces apparaissent aussi dans le fi lm d’Alain Resnais et de Chris Marker de 1953, Les statues meurent aussi, dont il est le conseiller artistique (fi g. 19) et dans lequel fi gure un cinquième kuyu, l’exmplaire de la collection de Webster Plass dont il vient d’être question (fi g. 18). Quant à Pierre Vérité et son fi ls Claude, ils ont dorénavant une démarche active pour susciter l’intérêt pour ces oeuvres : ils en publient et en exposent au public. Mais si ces oeuvres furent montrées, elles ne furent pas pour autant vues si l’on en juge par les réactions très négatives de cette époque. ... 1986 et après Un nouveau personnage va jouer un rôle décisif dans le devenir des objets kuyu, comme dans la reconnaissance de la culture qui les a produits. C’est le collectionneur Michel Leveau, qui crée la Fondation Dapper avec la journaliste Christiane Falgayrettes à Amsterdam en 1983. Ils ouvrent un musée du même nom à Paris en 1986. Simultanément ils organisent une exposition au musée des Arts décoratifs intitulée Ouvertures sur les arts africains. Deux objets kuyu y fi gurent, achetés directement à Ratton (fi g. 20 et 22). Par la suite, l’art kuyu fi gurera dans des expositions temporaires du musée qui attirent dans ses murs les visiteurs du monde entier35. Toujours en 1986, décidément année charnière, Ratton meurt ; le musée rachète des objets des styles I et II de sa collection. En 1989, notre thèse est soutenue36. Elle recense tout le corpus kuyu connu, classé en trois styles selon une analyse morpho-ethnique37. Bien que non publié, le tome sur les objets circule dans le circuit marchand. Si l’on ajoute l’exposition Formes et couleurs en 1993, où le musée Dapper met en vedette la sculpture kuyu, on pourrait avoir l’impression rétrospectivement qu’une vague s’est levée, qui aurait commencé dès 1989 avec la vente de la collection de l’ex-administrateur G. Thomann, au cours de laquelle les prix de deux objets de style I inédits s’envolent38. Jusque là, on ne trouvait dans


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