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2 En ces jours de la mi-mai où cette édition Été de Tribal Art magazine part à l’impression, il y a dix ans, je recevais une enveloppe allongée contenant une invitation au vernissage du musée du quai Branly. L’émotion ressentie alors fut à la hauteur de la longue attente que tous les amateurs d’art extra-européens avaient vécue – pour ne pas dire subie ! – depuis l’annonce par le Président Jacques Chirac, en 1996, de sa volonté de créer à Paris un musée dédié aux arts et civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques. À la veille de l’ouverture au grand public le 23 juin 2006, j’étais donc parmi les privilégiés qui découvraient enfi n le musée du quai Branly dans son écrin signé Jean Nouvel, comptant un plateau des collections permanentes de 5 300 m2 et une surface totale de 3 620 m2 répartie en plusieurs espaces et destinée aux expositions temporaires. L’instant fut solennel, tout comme l’est le moment présent : car le musée où dialoguent les cultures fête en grande pompe sa première décennie ! Ces dix ans auront été marqués l’accueil de plus de quinze millions de visiteurs et par un dynamisme exemplaire : 97 expositions temporaires de référence accueillies dans le musée, 48 expositions présentées sur les cinq continents, 600 colloques, séminaires, conférences organisés, 129 publications éditées... des chiffres qui donnent le tournis et qui font prendre conscience qu’il faudrait plus d’une vie pour prétendre suivre toute la programmation de ce musée s’érigeant en symbole de la reconnaissance institutionnelle de l’égalité entre les cultures. Notre technique pour surmonter la frustration : nous offrir le plaisir de publier régulièrement dans nos pages des chroniques d’expositions ainsi que des articles de fonds portant sur les collections du musée ; pour preuve dans cette édition Été, l’article de Carol S. Ivory sur la remarquable exposition Matahoata, dont le mérite réside dans sa sélection vaste, rigoureuse et résolument esthétique d’objets de provenances diverses mettant en lumière la singularité et la richesse des traditions culturelles d’un archipel – les îles Marquises – ayant exercé un fort pouvoir d’attraction sur l’Occident. Mais s’il déborde d’activité en ses propres murs, le musée du quai Branly a également eu le mérite d’animer l’ensemble du domaine des arts extra-européens du fait de sa simple existence, ou – pour en revenir à juin 2006 – de son imminente ouverture. Pour se rendre à l’évidence, il suffi t de se remémorer l’effervescence qui régna alors à Paris, et à laquelle contribuèrent de nombreuses galeries locales (mais pas uniquement) avec des accrochages spéciaux ; citons par exemple l’exposition à la mémoire de Jacques Kerchache, Hommage, organisée à la galerie Alain Bovis (située alors au 9 quai Malaquais) et réalisée en collaboration avec Ana et Antonio Casanovas (Arte y Ritual). Dans le même ordre d’idée, les 16 et 17 juin, fut célébrée à l’hôtel Drouot la Vente Vérité, dont le prix record de près de six millions d’euros réalisé par un masque ngil fang du Gabon fut le symbole du succès retentissant. L’importance de cet événement historique nous est rappelée dans les pages qui suivent par l’expert de la vente, Pierre Amrouche, auteur également des photographies en noir et blanc qui illustrent l’article et qui furent réalisées lors de l’exposition publique des quelques cinq cent quatorze lots proposés. Hommage à ce mois de juin 2006 fastueux pour les arts d’Afrique, d’Océanie, d’Asie et des Amériques et à une décennie de succès au musée du quai Branly, ce numéro de Tribal Art magazine souligne également l’importance des initiatives prises par des musées de moindre envergure : l’exposition Dada Afrika chroniquée ci-après par ses concepteurs en est un exemple éloquent. Il en va de même de la nécessité impérieuse d’approfondir dans la connaissance de traditions artistiques se retrouvant encore trop peu sous les « feux des projecteurs » des musées spécialisés, que nous contribuons à mettre en valeur ici avec deux dossiers centraux consacrés à des arts encore souvent considérés à tort comme « mineurs » : la poterie du Congo, Rwanda et Burundi, abordée par Julien Volper à travers les collections du musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren, ou les coiffures perlées du Soudan et d’Ouganda, sujet d’étude de Michael Oehrl. Elena Martínez-Jacquet Éditorial Notre couverture représente le masque à cornes de danse de la région de Lambaréné, Gabon, au coeur de la rubrique « Histoire d’Objet » de ce numéro Été. En arrière-plan, il s’agit d’une vue du fl euve Ogooué à Lambaréné prise dans les années 1950. © Photo : Vincent Girier Dufournier (masque). © Archives L. Perrois (vue du fl euve Ogooué).


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