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112200 FIG. 14 (CI-DESSUS) : Coiffure avec ornements appliqués en métal. Lango, Ouganda. Cheveux humains, cuivre, fi bres et rotin. L. : 21,6 cm. Collecté par J. P. V. Jervoise. British Museum, inv. Af1938,1207.2. © The Trustees of the British Museum. marchandises et refusèrent de les rendre. Powell-Cotton fi t l’objet de menaces et plusieurs de ses porteurs furent tués lors de l’attaque de son camp. Il dut se résoudre à faire un exemple et abattit un guerrier d’assez loin pour affi rmer sa puissance et celle des armes modernes dont il disposait, mais également pour restaurer la confi ance de ses hommes. Les Dodinga répliquèrent en les pourchassant et Powell-Cotton parvint à s’enfuir de toute justesse. Il dira plus tard qu’en raison de la situation d’urgence, il n’avait malheureusement pas pris le temps de retirer et d’emporter la coiffure perlée d’un guerrier abattu. En revanche, il collecta une coiffure complète chez un groupe voisin plus pacifi que, les Mielli, dont les traditions étaient identiques, mais qui n’utilisaient que très rarement autant de perles que les Dodinga (fi g. 6). Il se la procura en échange d’un veau et d’une cloche de vache. Les coiffures portées par les peuples rencontrés par Powell-Cotton étaient extrêmement variées. Comme indiqué plus haut, celles des Mielli étaient différentes de celles des Dodinga, tandis que les Tulono ne plaçaient des perles que le long du bord inférieur, ou portaient un large bandeau de perles rouges et blanches au sommet de leur crâne rasé. Les Maranole privilégiaient les morceaux de laiton et négligeaient très souvent les perles. Certains noms de ces groupes distincts fi gurent uniquement dans le récit de Powell-Cotton. Tout porte à croire qu’il les a inventés. Aussi s’avère-t-il très diffi cile aujourd’hui de les vérifi er et de les attribuer correctement aux peuples concernés. Néanmoins, Powell-Cotton a photographié toutes les coiffures décrites et bon nombre d’entre elles sont illustrées dans son livre, à commencer par celles des Dodinga. Lorsque Powell-Cotton atteignit fi nalement la région des Latooka, il apparut évident que les tendances avaient changé depuis la visite de Baker quarante ans plus tôt, y compris dans le domaine de la création des coiffurescasques. La base en feutre était désormais recouverte d’un grand nombre de fi ns panneaux en laiton, ce qui donnait l’impression d’un casque doré rutilant, très différent des créations des groupes avoisinants (fi g. 8). Ces coiffures étaient coupées sur la tête des défunts et remises aux plus jeunes guerriers de la même famille. Elles étaient habituellement portées uniquement par des guerriers chevronnés. Les moins riches devaient se contenter d’une coiffure-casque réalisée avec de l’argile rouge. D’après le journal de Fitzroy Somerset rédigé en 191816, ces coiffurescasques étaient également munies d’une longue tige ornée de milliers de plumes de tisserin rouges, blanches et noires (fi g. 9). Ceci montre l’évolution des styles chez les Latooka sur une période de plus de cinquante ans. Naturellement, les récits relatent souvent des situations observées au moment précis du passage d’une expédition et, à ce titre, ne peuvent attester défi nitivement une évolution de style. Par ailleurs, certains auteurs n’ont consigné aucune donnée anthropologique, ce qui est néanmoins compréhensible lorsque l’on s’intéresse au contexte dans lequel ces contacts eurent lieu, particulièrement au XIXe siècle. À l’époque, les explorateurs pensaient avant tout à survivre, tandis que leurs longues marches s’accompagnaient souvent d’une fi èvre persistante. Il était en général impossible d’enlever les coiffures, mais certaines étaient conçues et confectionnées comme des objets autonomes. Cette pratique était parfois associée à des individus de haut rang dont les « chapeaux » étaient fréquemment recouverts de perles de verre. Deux remarquables exemplaires, attribués aux Toposa, fi gurent dans la collection du National Museum of African Art de Washington DC (fi g. 11 et 12). Le capitaine G. R. King décrit les Toposa dans un ouvrage publié en 1937 par Nalder17 et, selon ses informations, les hommes importants portaient des casquettes intégralement recouvertes de perles disposées en cercles concentriques18. Dans certaines régions, la tradition des coiffes s’est perpétuée au XXe siècle. Leni Riefenstahl a photographié des casques dorés brillants chez les Latooka dans les années 196019. Par contre, ces casques n’ont plus jamais été observés par la suite. Les ornements de perles ont connu un regain inattendu au XXe siècle chez les Dinka, qui atteignit son paroxysme avec la création de l’une des parures perlées les plus inhabituelles et diffi ciles à confectionner d’Afrique, le corset dinka (fi g. 15). Ce corset et d’autres objets perlés créés plus récemment montrent que le désir des peuples DOSSIER


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