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DOSSIER abondent généralement à l’endroit où ils se trouvent, les pangolins se déplacent peu. Ce sont des animaux solitaires, sauf durant la période d’accouplement. Le pangolin à petites écailles et le pangolin à longue queue sont des espèces arboricoles. De ce fait, il s’agit d’excellents et rapides grimpeurs. Le pangolin terrestre, en revanche, se déplace d’une manière étonnante : il court – souvent très vite – en se servant principalement de ses pattes arrière, tandis que ses pattes avant et sa queue, qui ne touchent pas le sol, l’aident à conserver son équilibre. Lorsqu’ils se sentent menacés, les pangolins se roulent en boule et conservent cette position même s’ils sont malmenés. 94 Si l’animal se trouve dans un arbre, il se laisse tomber sur le sol. Les écailles amortissent la chute et évitent à l’animal de se blesser. Les pangolins sont de bons nageurs également. L’ouïe et la vue ne constituent pas leurs points forts. Par contre, leur odorat est extrêmement développé et ils réagissent aux vibrations provoquées par la musique2. LES ORACLES PAR LE PANGOLIN EN AFRIQUE DE L’EST L’utilisation d’animaux à des fi ns divinatoires est répandue en Afrique. L’animal le plus utilisé est le poulet, souvent abattu lors de rituels. Mais certains oracles se servent également d’animaux vivants – hyènes et chacals (Mandingue), renards (Dogon, Lyela), souris (Baule), crabes (Ashanti), tortues (Koko), araignées (Bafi a), termites (Azande) ou serpents (Toma en Afrique de l’Ouest et Schilluk et Ziba en Afrique de l’Est) pour ne citer que quelques-uns des exemples les plus connus (Schilde 1940 : 165-200). Une cérémonie divinatoire moins connue est pratiquée annuellement avec un pangolin. Celle-ci suit des procédures standardisées et se distingue des autres techniques de divination par son extrême simplicité et l’absence d’oracle et d’invocations. Lors de nombreuses cérémonies impliquant des animaux, ceux-ci doivent piétiner, toucher ou déplacer des objets comme des feuilles perforées, du bois ou des tiges métalliques, des brindilles ou encore des motifs géométriques afi n de former de nouvelles combinaisons qui sont ensuite interprétées pour établir des liens de causalité ou prédire l’avenir. En revanche, dans ce cas-ci, le pangolin est seulement supposé choisir l’un des objets disposés devant lui – récoltes diverses, outillage agricole, armes – en se dirigeant vers lui ou en grimpant dessus. En Tanzanie du Sud, un rite divinatoire est associé au pangolin terrestre. L’oracle par le pangolin est aujourd’hui encore consulté par les peuples de la région de Ruvuma (Makonde, Makua, Yao) et leurs voisins du Nord (Mwera, Matumbi). Mon récit concerne essentiellement la région des Mwera et repose sur des données recueillies par le mission- naire de l’ordre de Saint-Benoît Joachim Ammann, évêque et abbé de Ndanda, dans les années 1930 (Ammann dans Kecskési 2012 : 157f) et sur des renseignements fournis par le professeur Longino Livigha entre 2002 et 2004. D’autres sources indiquent que cet oracle était couramment pratiqué et continue de l’être, ailleurs que dans le sud de la Tanzanie. Ceci fut confi rmé par des reportages radio provenant de Dar es-Salaam qui mentionnaient qu’un pangolin venant d’être capturé avait adopté un comportement laissant présager une bonne récolte (Kutalek 2003 : 63). Manifestement, il n’est pas courant de partir à la recherche d’un pangolin pour ensuite le consulter comme un oracle. Il est également rare d’en apercevoir un par hasard, puisqu’il s’agit d’un animal nocturne. On les rencontre le plus souvent au début de la saison des cultures, lorsque les termites sortent après les premières pluies et que les pangolins continuent de se nourrir après le lever du jour (communication personnelle du zoologiste Dr Charles Msuya de l’université de Dar es-Salaam, 2004). Le cycle agraire débutant au même moment, il est compréhensible que l’oracle s’intéresse au produit de la récolte, l’une des préoccupations majeures de la communauté. Le rituel n’est pas accompli par un devin professionnel mais soit par le chef de clan, soit par un vénérable ancien, homme ou femme. Cette personne, assistée par un devin expérimenté, suit le processus en entier et termine par l’interprétation de l’oracle. Comme c’est le cas dans d’autres pratiques divinatoires africaines, il s’agit d’un processus dynamique qui, bien qu’il soit standardisé et suive certains principes habituels, laisse place à l’improvisation, tant sur le plan de la forme que du contenu. En outre, le rituel revêt une dimension sociétale dans laquelle la vision sacrée du monde joue un rôle crucial (Peek 1991 : 2f.). D’après la plupart des sources, l’animal divinatoire est considéré comme un messager des ancêtres, notamment chez les Matumbi (Ionides 1950 : 76) ou les Mwera (communications personnelles de Longino Livigha 2003). Les Bena du sudouest de la Tanzanie lui attribuent la fonction de messager d’une force impersonnelle omniprésente appelée mulungu ou, selon les dires de bon nombre de Bena, la divinité Mulungu (Culwick et Culwick 1935 : 120f.). D’après Longino Livigha, quiconque trouve par hasard un pangolin dans la brousse lui dira : « Je t’ai trouvé ! Je vais aller prévenir les anciens au village. Attends ici, je reviendrai te chercher accompagné d’un ancien pour que tu nous parles de l’avenir ! » La personne qui a découvert le pangolin avertit ensuite ses voisins, part acheter une étoffe de tissu blanc et revient en compagnie d’un ancien sur les lieux de sa découverte. Le pangolin, lui, est resté au même endroit – c’est en tout cas ce que les gens affi rment. Ceux- FIG. 4 (CI-DESSUS) : Henry Likonde, oracle par le pangolin. Mwera, Tanzanie, 1984. Aquarelle. 100 x 69 cm. Museum Fünf Kontinente, Munich, inv. 06-328 102. Photo: Marietta Weidner.


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