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De nombreuses cultures du sud-est de la Tanzanie utilisent le pangolin, ou fourmilier à écailles, en guise d’oracle afi n d’aider les membres des communautés à prédire le succès ou l’échec des récoltes lors de l’année agricole à venir. Plusieurs groupes en Afrique de l’Ouest, centrale et du Sud considèrent le pangolin comme un animal 92 particulièrement fort, à la fois respecté et craint. Les conceptions qui lui sont associées sont reprises de façon très éparse dans la littérature. Dans cet article, nous chercherons à analyser un certain nombre de traditions qui accordent un rôle au pangolin, à commencer par les traditions de divination en Tanzanie, qui sont exceptionnellement bien documentées. Nous nous intéresserons ensuite à d’autres pratiques propres à l’Afrique subsaharienne. AU SUJET DU PANGOLIN Les pangolins (ordre Pholidota, genre Manis) sont les seuls mammifères récents dont le corps et la queue sont couverts d’écailles dures, contrairement au tatou dont l’épaisse carapace rappelle le cuir. Quatre espèces vivent en Afrique et trois en Asie du Sud-Est. Ils possèdent de courtes pattes et la longueur de leur corps varie entre soixante-trois et cent soixante centimètres, en fonction de l’espèce. Leur tête est longue, pointue et relativement petite. Ils ont un cou assez court et sont dépourvus de dents. Leur langue, extrêmement longue, peut atteindre jusqu’à quarante centimètres chez le pangolin géant. Le mot « pangolin » serait dérivé d’un terme d’un dialecte malais (penggoling, panguling) évoquant la capacité de l’animal à se rouler en boule lorsqu’il se sent menacé. Le pangolin est aussi appelé « fourmilier à écailles »1. Il apparaît aussi dans plusieurs publications sous le nom de « pomme de pin animée » (Grzimek 1979, XI : 572 ; Maberly 1954 : 280 ; Yule et Burnell 1968 : 668 ; Champion 1933 : 33). En Tanzanie, il est connu sous le nom de kakakuona, « le frère qui voit ». Parmi les quatre espèces africaines, trois seraient dotées de pouvoirs surnaturels : le pangolin à petites écailles (Manis tricuspis), mesurant soixante-trois à quatre-vingt-quatorze centimètres, le pangolin terrestre (Manis temmincki), soixante-neuf centimètres à un mètre, et le pangolin géant (Manis gigantea), un mètre dix-huit à un mètre soixante. Le pangolin à petites écailles est bien connu des africanistes grâce aux travaux de Mary Douglas. Le pangolin à petites écailles et le pangolin à longue queue (Manis tetradactyla) sont originaires d’Afrique centrale et de l’Ouest, tandis que le pangolin géant vit essentiellement en Afrique centrale et que le pangolin terrestre se trouve à l’Est et au Sud. Les pangolins sont des animaux nocturnes, mais alors que le pangolin à petites écailles et le pangolin à longue queue dorment en haut des arbres pendant la journée (fi g. 1), les deux autres dorment dans des trous à même le sol. Tous se nourrissent exclusivement de fourmis ou de termites qu’ils capturent en une fraction de seconde grâce à leur longue langue collante (fi g. 2). Comme les insectes DOSSIER Pangolin : les oracles de Tanzanie et autres rôles de ce fourmilier à écailles en Afrique Par Maria Kecskési FIG. 1 (EN HAUT, À GAUCHE) : Pangolin arboricole à ventre blanc, Manis tricuspis. D’après A. Brehm, Brehms Tierleben, Bibliographisches Institut, Leipzig et Vienne, 1912, vol. 10, p. 494. Photo : Boris Roessler. FIG. 2 (À GAUCHE) : Pangolin terrestre, Manis temmincki. D’après A. Brehm, Brehms Tierleben, Bibliographisches Institut, Leipzig et Vienne, 1912, vol. 10, p. 496. Photo : J. Vosseler, Amani. FIG. 3 (PAGE DE DROITE) : Masque igi de la société gelede avec une représentation d’un pangolin captif sur le dessus. Par Fagbite Asamu (actif à la fi n du XIXe - milieu du XXe siècle) ou Falola Edun (actif au début - milieu du XXe siècle). Yoruba, région de Ketu, Nigeria. Début - milieu du XXe siècle. Bois. L. : 48,9 cm. Art Institute of Chicago, Department of African and American Art, inv. 2008.176, don de Neal Ball.


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