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Motifs changeants Étoffes d’écorce du Pacifi que Dans les îles du Pacifi que, l’étoffe d’écorce constitue une tradition artistique caractéristique commune à toute la région. Les motifs ornant les étoffes témoignent de l’histoire propre à chaque groupe d’insulaires. Attestés depuis des millénaires, ces dessins comprennent des formes rigoureusement géométriques, comme celles créées aux Fidji, tout comme des interprétations du surnaturel qui, par exemple au Vanuatu, prennent l’aspect d’esprits. Du 5 février 76 au 6 décembre 2015, une exposition d’envergure a été dédiée, pour la première fois, par le British Museum à cette tradition artistique. Intitulée Shifting Patterns: Pacifi c Barkcloth Clothing, elle a présenté soixante-dix-sept objets en écorce – vêtements, masques, coiffes et ornements corporels – issus de la vaste collection du musée et s’est intéressée à la manière dont cette tradition a permis aux insulaires du Pacifi que de véhiculer leur propre image. Plébiscitée par plus de cinq cent mille visiteurs, l’exposition n’a néanmoins pas fait l’objet d’un catalogue. Cet article comble cette lacune, et propose d’approfondir le sujet à partir de certains objets remarquables qui furent présentés dans les salles. Les textiles végétaux étaient très importants dans l’environnement tropical du Pacifi que. Avant les premiers contacts, il n’existait que très peu d’animaux terrestres sur lesquels prélever de la peau ou de la fourrure. Les textiles y sont fabriqués à partir de feuilles tressées, de fi bres végétales tissées et d’écorce battue, communément appelés « étoffes d’écorce ». Utilisés sous différentes formes, les étoffes d’écorce ont été produites suivant la même technique. D’abord, l’écorce est retirée de l’arbre et l’écorce blanche intérieure soigneusement détachée. La partie extérieure, rugueuse, est jetée. L’écorce est ensuite ramollie dans de l’eau, puis battue afi n d’étaler les fi bres. L’opération est répétée jusqu’à l’obtention d’une bande d’étoffe de la taille et de la qualité souhaitées. En fonction de l’essence d’arbre utilisée et de la force avec laquelle l’écorce a été battue, l’étoffe sera douce ou râpeuse. L’application de motifs peut prendre plusieurs formes – impression texturée, peinture en surface ou rangées de pendentifs cousus sur le vêtement. Vernis, huiles et parfums participent au résultat. L’exposition évoquait les techniques extrêmement variées de décoration de l’étoffe d’écorce ainsi que des outils de production, notamment un batteur en fanon de baleine des îles Pitcairn (fi g. 3) et de fragiles poinçons originaires d’Hawaï. Portés au quotidien, les vêtements en étoffe d’écorce étaient et sont toujours confectionnés pour signifi er la transition entre différentes étapes importantes de la vie. L’arrivée des missionnaires dans la région du Pacifi que à la fi n du XVIIIe siècle infl uença considérablement leur conception. En effet, le besoin de couvrir le corps qui naquit dans ce nouveau contexte favorisa, dans un premier temps, l’adoption, dans bon nombre d’archipels, de tuniques de style tahitien. Aujourd’hui, certains vêtements comme des robes de mariée créées par des stylistes témoignent de l’importance que revêt encore l’étoffe d’écorce aux yeux des insulaires du Pacifi que. Parmi les textiles exposés les plus remarquables et les plus anciens fi guraient plusieurs vêtements hawaïens confectionnés à partir d’un type particulier de tissu côtelé appelé MUSÉE à la Une Par Natasha McKinney FIG. 1 (CI-DESSUS) : Vêtement porté à la taille tepi. Futuna, territoire de Wallis-et-Futuna. 1930- 1935. Étoffe d’écorce et pigments. 188 x 145 cm. British Museum, inv. Oc1935,0712.3. Don de R. F. Kingerley, 1935. © The Trustees of the British Museum. FIG. 2 (EN HAUT) : Entrée de l’exposition au British Museum, qui a fermé le 6 décembre 2015. Photo : N. McKinney.


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