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MUSÉE à la Une ventes aux enchères, ou encore des articles scientifi ques pour le Ligabue Magazine, publication semestrielle qu’il créa il y a plus de trente ans. J’ai aussi pu consulter la correspondance qu’il entretenait avec des marchands et des chercheurs. Tout cela m’a permis de mieux cerner ses goûts et ses motivations. J’ai compris mon père d’une façon beaucoup plus intime. Malheureusement, ce plaisant rapprochement de la fi gure paternelle allait prendre un goût un peu plus amer avec son décès, en janvier 2015, alors que j’étais à Paris, travaillant à l’exposition avec Jacques Blazy et André Delpuech. Ce triste événement me fi t redoubler d’efforts pour faire aboutir le projet. Je tenais absolument à rendre ainsi hommage à mon père. Le soir du vernissage à Florence, le 18 septembre, fut un moment d’émotion intense. Mais aussi d’ébahissement ! Pour la première fois, les oeuvres que j’avais toujours vues dispersées dans les différentes pièces de la résidence familiale se trouvaient réunies en un seul lieu. La cohérence de l’ensemble n’en était que plus évidente. La splendeur des principales 70 civilisations anciennes du continent américain étaient là sous mes yeux : de la culture Olmèque à la culture Nazca, en passant par les Mayas, les Aztèques, les Incas, les Tairona, etc. T. A. M. : Quelle est l’origine de cette collection d’art précolombien et comment s’est-elle développée ? I. L. : Mon père en est venu à l’art précolombien par sa curiosité sans limites. Il consacrait la moindre seconde de son temps libre à l’étude de l’Homme. C’est ainsi qu’il fi t une thèse doctorale en paléontologie consacrée aux fossiles dans l’oeuvre de Léonard de Vinci avec Philippe Taquet à la Sorbonne. Peu de temps après, en 1971, il réalisa ses premières recherches de terrain, toujours en paléontologie. En 1973, il fonda le Centro Studi Ricerche Ligabue (CSRL), dont le champ d’action s’étendait aussi à l’archéologie et l’ethnologie. Quelques années auparavant, une pointe de lance paléo-vénitienne qui lui avait été offerte par un entrepreneur prussien – un certain M. Krull, dont j’appris récemment que le nom fi gure parmi les grands bienfaiteurs du musée d’Archéologie de Venise – le mit sur la voie du collectionnisme. C’est ainsi qu’il commença à acquérir toutes sortes de traces matérielles de la vie sur Terre : des fossiles, des objets archéologiques, des artefacts de cultures lointaines et, bien sûr, des oeuvres d’art. Pour revenir plus précisément à l’art précolombien, la collection que l’on peut admirer dans sa quasi totalité à Florence démarra avec un masque en serpentine de Teotihuacan que mon père acquit auprès d’un marchand italien en 1970. Cette première acquisition suscita un vif intérêt pour la Cité des dieux, à tel point qu’il organisa très rapidement un voyage d’étude au Mexique. Cette circonstance s’est d’ailleurs souvent reproduite : mon père achetait une pièce et il ressentait à son égard une fascination croissante qui le poussait à mettre sur pied une mission scientifi que avec le CSRL. Les expéditions étaient toujours conduites dans le plus grand respect des cultures locales et, pour des raisons déontologiques évidentes, elles ne furent jamais un prétexte à des collectes d’objets pour la collection personnelle de mon père. Toutes les acquisitions se sont faites sur le marché de l’art, au gré des intérêts de mon père et des opportunités qui se présentaient. Les derniers objets qui ont rejoint la collection sont, par contre, des acquisitions que j’ai réalisées moi-même récemment pour combler certains vides. Cela concerne une petite dizaine d’objets, dont le joug Veracruz et la palma maya qui sont exposés et qui permettent d’évoquer le jeu de balle qui fut tellement important dans les cultures mésoaméricaines. FIG. 5 (À GAUCHE) : Figurine. Veracruz, côte du Golfe, Mexique. 600 - 900 apr. J.-C. Céramique. H. : 26 cm.


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