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Sculptures Nègres 147 le garage où Paul Guillaume, alors jeune employé, avait exposé des sculptures nègres. Apollinaire le prend sous son aile, ce qui donne un élan considérable à la carrière de Paul Guillaume. Très vite, ce dernier quitte le garage et devient courtier en appartement, notamment pour Joseph Brummer5. Il entre dans tous les cercles fréquentés par le poète6, qui le guide dans ses premières apparitions et ses débuts dans le domaine de l’édition, faisant preuve de qualités notoires en matière d’organisation et de valorisation ; autant d’habiletés commerciales dont il est rarement question au sujet d’Apollinaire ! ils composeront l’exposition Statuary in Wood by African Savages: The Root of Modern Art, présentée à la fi n de l’année 1914 à New York, dont le caractère éminemment novateur tient à la présentation simultanée d’art nègre et de toiles de jeunes artistes d’avant-garde11. Bien qu’ayant acquis un rayonnement international, Paul Guillaume continue de recevoir des conseils de son mentor écrits depuis le front, où Apollinaire est mobilisé depuis le début du confl it. Entre nouvelles poétiques, dramatiques ou ironiques, ce dernier prodigue ses recommandations dans ses lettres12. Dans un article fameux de 1912, « Les arts exotiques et l’ethnographie », Apollinaire n’hésite pas à faire publiquement la promotion de Paul Guillaume « dont le nom est à retenir pour qui veut être au courant des annales de la curiosité »7. Les relations entre les deux hommes se développent. Le Baron Mollet, secrétaire de Guillaume Apollinaire, rapporte que « Chaque semaine, souvent plusieurs fois par semaine, un jeune homme venait dîner soit avec une statuette nègre, soit avec une toile mais c’était surtout des statuettes qu’il apportait à Guillaume pour lui demander des conseils et pour savoir où il pourrait trouver acquéreur »8. S’il est diffi cile de les identifi er il est certain que Apollinaire se procura de multiples objets auprès de Paul Guillaume. C’est dans ce contexte de complicité grandissante qu’Apollinaire introduit Paul Guillaume auprès de Marius de Zayas9, caricaturiste et collaborateur d’Alfred Stieglitz qui, dès 1910, séjourne régulièrement en France, fréquente le cercle des Stein et rencontre toute l’avant-garde artistique. Lors de la déclaration de guerre en 1914, de Zayas rentre aux États-Unis où il oeuvrera à la concrétisation d’un projet d’exposition d’art nègre qui lui tenait à coeur depuis longtemps à la Galerie 291 d’Alfred Stieglitz10. Du vieux continent, il ramène « quinze parmi les meilleures choses nègres qui ont jamais été rapportées en terres civilisées ». Les objets dont il est question proviennent de Paul Guillaume ; Souvent à Paris, hospitalisé, de passage ou en poste, Apollinaire participe à l’organisation des expositions (notamment celle de 1916 chez Lyre et Palette qui présente à la fois des peintres et de la statuaire nègre) et s’implique dans la rédaction et la présentation des catalogues de Paul Guillaume. Cette collaboration culmine avec la parution, annoncée en février 1917 dans la revue SIC, d’ « un ouvrage sur l’art nègre (…) publication à 100 exemplaires, avec un luxe inconnu jusqu’à ce jour d’un album des plus belles pièces antiques de cet art prodigieux(…) »13. Sorti fi n 1917, au moment où Paul Guillaume ouvre une nouvelle galerie au 108, rue du Faubourg Saint-Honoré, ce volume n’aura fi nalement été tiré qu’à une petite soixantaine de copies sous le titre de Sculptures Nègres. Préfacé par Guillaume Apollinaire et enrichi d’un exposé de Paul Guillaume, l’ouvrage renferme vingt-quatre planches photographiques dont vingt-et-une fi gurent sculptures et masques d’Afrique Occidentale et Centrale (principalement du Gabon, Côte d’Ivoire et de l’ancien Soudan français), mais aussi des îles Marquises, dont l’art était à l’époque englobé dans l’appellation nègre. Ces objets étaient issus de plusieurs collections privées (André Level, Alphone Kann, Vicomte Bernard d’Hendecourt, pour ne donner que quelques noms). Bien que seul Paul Guillaume fi gure en qualité d’éditeur, le concours d’Apollinaire fut fondamental, suivant de très près l’élaboration de l’ouvrage prodiguant des consignes Pl. VII. Collection Cte de Gouy d’Arsy. STATUETTE DE LA GUINEE. Pl. VIII. Collection Ambroise Vollard. GRAND « TIKI » DE POLYNESIE. Pl. IX. Musée du Trocadéro, Paris. IDOLE DE LA MATERNITE, Rivières du Sud (Guinée). (NdÉ. Deux vues disponibles, de face et de profi l). Pl. X. Collection André Level. MASQUE DE GUERRE de la Côte d’Ivoire. Pl. XI. Collection Alphonse Kann. STATUE DES BAKONGOS, sous-tribu des Balalis- Bistimin-Gengui (Congo). Pl. XII. (Voir fi g. 4). Pl. XIII. (Voir fi g 5).


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