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PORTFOLIO L’héritage du poète et du marchand : les Sculptures Nègres de Guillaume Apollinaire et Paul Guillaume 146 « ... Tu marches vers Auteuil, tu veux aller chez toi à pied Dormir parmi tes fétiches d’Océanie et de Guinée… » 1 Ce printemps 2016, le musée de l’Orangerie propose une exposition sur Guillaume Apollinaire, Apollinaire : le regard du Poète, offrant l’opportunité de revenir sur la relation entre ce dernier et Paul Guillaume. Au soir de la mort du poète le 9 novembre 1918, Paul Guillaume signe un long article dans les Arts à Paris, la revue qu’il vient de créer. Il rend un vibrant hommage à celui qui lui fi t sa carrière. Pourtant, il n’évoque que par quelques mots ce qui fut sans doute au centre de leur rencontre : « Des premiers, le poète d’Alcools s’était passionné pour la subtile et profonde statuaire antique des noirs d’Afrique et il en gardait jalousement quelques curieux spécimens »2. En ce début de siècle, le terrain est préparé pour permettre l’éclosion des arts « nègres » : de l’orientalisme au japonisme, en passant par l’Égyptomanie, les découvertes archéologiques, le travail de Gauguin en Bretagne et en Polynésie. Les musées d’ethnographie ont pris leur essor depuis le milieu du XIXe siècle et se développent partout en Europe. Les expositions universelles contribuent également à la découverte de ces « autres mondes ». L’oeil ouvert, Guillaume Apollinaire accompagne les travaux, les expériences, les goûts de ses amis plasticiens. Par Michèle Hornn Très attentif aux nouvelles directions que prend la création plastique, il s’en fait le défenseur, le porte-parole, le militant. Depuis les années 1900, il pratique la critique d’art, commente les différents salons, préface les catalogues d’expositions. Depuis cette tribune d’observateur privilégié, il est l’un des premiers à chroniquer l’intérêt croissant des artistes pour l’art nègre et à prendre position en faveur de ces arts lointains. Ainsi, en 1909, il note à propos de Matisse: « Ce fauve est un raffi né. Il aime à s’entourer d’oeuvres anciennes et modernes, d’étoffes précieuses, de ces sculptures où les nègres de la Guinée, du Sénégal et du Gabon ont fi guré avec une rare pureté leurs passions les plus paniques »3. Cette même année, il publie son célèbre article « Sur les musées » où il proclame : « Il faudrait aussi faire un effort en faveur de certaines manifestations artistiques que l’on a complètement négligées jusqu’ici. Il s’agit des oeuvres d’art de certaines contrées, de certaines colonies... Jusqu’à présent on n’a guère admis les oeuvres d’art de ces pays que dans les musées ethnographiques où elles ne sont conservées qu’à titre de curiosité, de document, pêle-mêle parmi les objets les plus vulgaires. (…) Le Louvre devrait recueillir certains chefs-d’oeuvre exotiques dont l’aspect n’est pas moins émouvant que celui des beaux spécimens de la statuaire occidentale (...).4 » Ce n’est qu’en 1911 ou au début 1912 que les chemins de Paul Guillaume et Guillaume Apollinaire se croisent dans Pages 142-143 et 151-152 : Page de garde de l’album Sculptures Nègres, éd. Paul Guillaume,1917, suivie de l’intégralité de l’iconographie du volume présentée et légendée conformément à l’original. Les visuels sont disponibles sur le site du Ross Archive of African Art Images de l’université de Yale, ainsi qu’auprès du Musée de l’Orangerie, qui conserve un exemplaire de l’album dans les Archives Paul Guillaume. Pl. I. (Voir fi g. 1). Pl. II. IDOLE DES « GOUROS » (Côte d’Ivoire). Pl. III. Collection Jos. Hessel. MASQUE CEREMONIAL « ABE » (Côte d’Ivoire). Pl. IV. (Voir fi g. 2). Pl. V. (Voir fi g. 3). Pl. VI. MASQUE ANCESTRAL PAHOUIN. Préside aux cérémonies du culte des morts.


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