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139 À GAUCHE : Épi de faîtage. Kanak, Nouvelle-Calédonie. Tout est dit, dans le style expressionniste si particulier à la Nouvelle-Calédonie. Mais ici le sculpteur a su sublimer l’art kanak. Par quelle magie l’étroitesse du visage surmonte-t-elle une mandibule gigantesque, géométrique sans choquer, bien au contraire ! Tous les composants du visage, en fort relief, sont soulignés par les vides et les éléments disparus dus au très grand âge y participent : ce sont les blessures du temps. La sculpture n’est-elle pas l’art de faire parler les vides ? Dans la sculpture, comme dans la musique, le beau surgit des vides et du silence : ce que l’artiste suggère nous revient alors en écho. ADAM, pièce reproduite en fi g. 80. CI-DESSUS : Tête. Enggano, Indonésie. La maîtrise de cet art abouti sur une île minuscule de l’Indonésie nous démontre que les Polynésiens sont un jour partis d’ici pour un long périple qui les a amenés à des milliers de kilomètres de leur point de départ. Yeux immenses, bouche menaçante, coquillages blancs incrustés, tout nous rappelle dans cette tête l’art dynamique des îles Hawaï... Hélas cette île a été vidée de ses habitants, ceux que Elio Modigliani avait rencontrés : elle est devenue un bagne et son art s’est éteint avec sa population. Il faut visiter le musée d’histoire naturelle de Florence pour contempler les oeuvres ramenées vers le début du XXe siècle par ce grand ethnologue. Faîtes et soutiens de cases, portes sculptées, éléments fi guratifs de canots, étonnants epacu (chapeaux de femmes habitantes de cette île surnommée « l’île des dames »), tout l’art d’Enggano y est splendidement représenté. Il semble que Modigliani a collecté tout ce qu’il a pu trouver de sculptures dans l’île car ces oeuvres sont rarissimes dans les collections privées. Et bien, Ana et Antonio ont découvert une tête qui probablement ornait l’avant d’un bateau, ramenée par un voyageur allemand perdu dans cette île et récoltée avant le passage de l’ethnologue italien… D’ailleurs E. Modigliani n’a pas rapporté de sculpture similaire ; il en existe bien une semblable mais d‘une qualité artistique bien inferieure qui se trouve au musée de Leyden. OEuvre dynamique, expressive, la bouche grande ouverte, elle était destinée à effrayer. L’incrustation de larges pièces de nacre dans les yeux, la bouche et les oreilles amplifi ent encore l’effet recherché. ADAM, pièce reproduite en fi g. 142.


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