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CAHIER PILAT 138 À GAUCHE : Statue. Îles Marquises. Ce pilier de temple ou d’une case de prêtre représente le dieu tiki, créateur de la terre et des océans. Il a été rapporté au début du siècle dernier par un témoin des derniers jours de la vie de Gauguin : Édouard Petit, gouverneur des établissements français de la Polynésie. Probablement récoltée à Taiohae, c’est la plus belle sculpture des arts marquisiens que nous connaissions. Elle faisait partie d’un poteau à l’entrée d’un lieu tabou, temple ou case de prêtre. Travaillée à la pierre et au coquillage (donc antérieure aux premiers contacts avec les explorateurs espagnols et anglais) elle est d’un âge séculaire. La matière du bois, dur, raviné par le temps – pluie et soleil – bien que protégée sous un auvent, atteste sa grande ancienneté. Ses formes classiques aux yeux immenses dans une tête amplifi ée aux belles oreilles allongées, son corps ramassé et nerveux à la taille rétrécie, la belle courbure du dos, les jambes courtes et dynamiques, toutes ces caractéristiques représentent le prototype de l’art marquisien. Ah que cette arête médiane en lame de couteau qui divise le bassin jusqu’au sexe est belle ! Une statue marquisienne de la même grandeur était connue dans la collection de Pablo Picasso, mais sa qualité était nettement moindre que celle de cette oeuvre. Il existe une photo de Guillaume Apollinaire assis dans l’appartement de Picasso avec, à ses pieds, la statue en question ; l’objet est par ailleurs reproduit dans le fantastique ouvrage de Karl von den Steinen Les Marquisiens et leur Art. C’était la plus belle connue à l’époque… Les artistes du passé ont créé un style jamais égalé et tant mieux si je me contredis : cette sculpture est un chef-d’oeuvre ! ADAM, pièce reproduite en fi g. 144. CI-CONTRE : Couronnement de sceptre. Woyo, R. D. Congo. Les arts de la côte atlantique de l’Afrique approchée par les navigateurs européens, refl ètent la rencontre entre arts africains et européens. De la côte de Guinée à l’Angola et au Congo, les sculpteurs africains ont dialogué avec l’art naturaliste chrétien. C’est particulièrement vrai pour l’art Bakongo et l’art Woyo limitrophe ; leur art est devenu réaliste au cours des siècles. Cet ivoire royal en est la preuve. La tendresse féminine est rehaussée par la douce surface de l’ivoire patiné par les ans. Le geste de la main droite effl eurant la joue ajoute encore de la souplesse à la sculpture de ce personnage agenouillé. L’artiste africain a intégré l’art réaliste dans un dialogue fécond. ADAM, pièce reproduite en fi g. 57.


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