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127 T. A. M. : Vous collectionnez exclusivement de l’art africain. De nombreux collectionneurs font preuve de plus de diversité à cet égard. Pourquoi uniquement l’Afrique ? J. P. : Mon intérêt pour l’art traditionnel africain est en partie ancré dans mes origines cubaines. Bien que ma famille soit d’origine espagnole, la culture africaine est extrêmement importante à Cuba. Le lien entre l’Afrique et Cuba est aussi fort que celui qui nous unit à l’Espagne. À mes yeux, ce lien a partiellement déclenché mon intérêt pour l’art africain, mais il représente bien plus que cela. L’art traditionnel africain éclaire mon intérêt et mes goûts dans toutes les autres expressions artistiques que j’admire, que ce soit l’art contemporain et moderne occidental, l’art classique grec, l’art d’Égypte, l’art romain. Je ne peux pas l’expliquer, mais je ne ressens pas du tout la même proximité avec l’art traditionnel d’autres régions du monde, même si je l’apprécie parfois. Je crois que la seule exception pourrait concerner l’art de Nouvelle-Irlande, que je me surprends à aimer de plus en plus. Je pourrais très bien commencer à acheter des oeuvres provenant de cette région, mais j’imagine mal comment cela pourrait surpasser mon intérêt pour l’art africain. T. A. M. : Qu’est-ce qui vous parle dans une oeuvre ? J. P. : Ce qui est formidable avec l’art africain, c’est que les artistes ont emprunté d’innombrables chemins pour créer leurs oeuvres. La première fois que j’ai vu mon autel kaka avec Lance Entwistle à Paris, j’en ai eu le souffl e coupé. J’ai été fasciné par la férocité des visages sur la partie inférieure de la sculpture et par cette étrange fi gure masculine pourvue de ce qui ressemble à des ailes pour les bras. C’est une image tellement puissante, et sa surface croûteuse la rend encore plus impressionnante. Je n’avais jamais acheté d’oeuvres dotées d’une telle surface auparavant, mais aujourd’hui c’est un élément que j’apprécie particulièrement. Mon grand cimier masculin igbo m’a, lui aussi, laissé sans voix, surtout en raison de sa tête et de son visage démesurés. Les détails forcés et les éléments cubiques me font sourire à chaque fois. En ce qui concerne mon grand Mumuye masculin, j’ai d’abord été attiré par les protège-oreilles pointus et exagérés, puis par les longs bras semblables à des rubans. Pour le Fang, c’est en réalité ce qui lui manque qui m’a intéressé – la bouche a été grattée, le nez n’est plus là et tout ce qui subsiste pour les yeux, ce sont les épingles qui maintenaient les cercles métalliques. La surface est également extraordinaire, elle continue de suinter l’huile utilisée durant des années de pratiques rituelles. Si je devais défi nir une caractéristique qui m’attire dans l’art africain et que toutes ces oeuvres partagent, je crois qu’il s’agirait d’un sentiment de force et de puissance intérieures. Ces sculptures ont une fi nalité. Elles n’ont pas été créées pour décorer un espace, mais pour attirer l’attention. Mission accomplie en ce qui me concerne ! FIG. 13 (À DROITE) : Cimier masculin. Eket, Nigeria. Ex-coll. Alain Dufour, St. Maur, c. 1970 ; Lucien Van de Velde, Anvers, c. 1970 ; Jacques Blanckaert, Bruxelles ; Piet Blanckaert, Knokke, Belgique, 1991 ; Daniel Hourdé, Paris, juillet 2015 ; Pierre Dartevelle, Bruxelles, septembre 2015. Bois. H. : 64 cm. Photo : Andrea Rossetti. Javier Peres


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