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Javier Peres 125 J. P. : Je m’approvisionne auprès de différentes sources : marchands, ventes aux enchères et autres collectionneurs. Pour moi, ces les objets qui priment. Cela dit, certains marchands réputés de Paris et Bruxelles m’ont aidé à acquérir des sculptures exceptionnelles qui ont vraiment enrichi ma collection. La provenance est un facteur important, mais vient après l’attrait esthétique initial et fondamental que l’objet doit exercer sur moi. Étant féru d’histoire, j’adore quand j’apprends d’un objet qu’il a été manipulé par des personnalités historiques qui font autorité dans le domaine. Prenez par exemple ma sculpture teke. Cette fi gure puissante, qui a conservé sa charge magique, est passée entre les mains de quelques personnages très importants – Stephen Chauvet, Pierre Vérité et Alain de Monbrison – et a été présentée lors de l’exposition d’avantgarde African Negro Art organisée au MoMA en 1935, où elle a été admirée par un public américain confronté pour la première fois à l’art africain. L’historique d’un objet ajoute une autre dimension de plaisir, essentielle à mes yeux. Des pièces comme celle-là sont en général très connues. Pour les avoir, il faut le plus souvent se rendre chez des marchands de premier niveau ou assister à aux grandes ventes. T. A. M. : Au fi l du temps, vous avez fait appel à plusieurs spécialistes pour vous aider à former votre collection. Quelle est la genèse de ces relations et comment fonctionnent-elles ? J. P. : Collectionner de l’art africain peut vous aider à acquérir de grandes connaissances. C’est comme apprendre une langue étrangère. Il faut constamment enrichir son vocabulaire si l’on veut être capable de communiquer correctement. À mes débuts, il y a quinze ans, j’ai fait la connaissance de Guy Van Rijn à Bruxelles et il m’a été d’une aide précieuse en partageant son savoir et une mine d’informations avec moi. J’ai rencontré Bruno Claessens voici quelques années par l’intermédiaire de Guy, et nous avons immédiatement entamé une collaboration. Cette relation a réellement façonné mon approche actuelle de la collection et m’a permis d’approfondir toujours un peu plus le domaine. Comme je l’ai dit, c’est toujours la dimension esthétique qui m’attire, mais en raison de mon parcours académique j’apprécie également le processus d’apprentissage qui se cache derrière l’objet. Sur le plan purement esthétique, l’art traditionnel africain me semble l’un des sommets absolus de l’art. Néanmoins, le fait de connaître l’histoire d’un objet, de savoir pourquoi il a été créé, par qui et pour quelle fonction, m’a permis d’acquérir des connaissances sur l’art que je n’aurais jamais imaginées. Ma compréhension intellectuelle s’en trouve considérablement élargie et aujourd’hui, grâce aux conseils de Bruno, je suis beaucoup plus réceptif à de nouvelles idées et formes que je n’aurais pu le croire. Je n’achète rien sans lui avoir d’abord demandé son avis. FIG. 10a et b : Autel. Kaka, région Mbem, Cameroun occidental. Ex-coll. El Hadji Amadou Yende ; Karl Ferdinand Schaedler, début des années 1970-1985 ; James Willis, San Francisco, 1985 ; Helen et Robert Kuhn, Los Angeles, 1985–1991 ; William Ziff, New York, 1991–2014 ; Entwistle Gallery, Paris, septembre 2014. Bois et patine sacrifi cielle. H. : 124,5 cm. Photo : Andrea Rossetti.


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