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PERSONNALITÉ 124 igbo et kaka, qui portent toutes des signes évidents d’une longue et fréquente utilisation. J’apprécie particulièrement leurs surfaces extraordinaires lorsque je me trouve dans un espace minimaliste et dénué de toute distraction. Je suis quelqu’un d’assez maniaque, au point de rendre fou mon compagnon parfois, mais j’aime vivre entouré d’art, où que j’aille. C’est important pour moi de pouvoir apprécier ces objets, leurs formes et leurs surfaces, et c’est plus facile de le faire dans un espace minimaliste. Les objets que j’aime sont tellement puissants et imposants qu’ils parlent d’eux-mêmes. Ils occupent l’espace par leur simple présence et je crois qu’un environnement chargé jouerait en leur défaveur. T. A. M. : La majorité des objets africains qui se trouvent actuellement chez vous à Berlin ont été achetés au cours de ces trois dernières années. Il doit y avoir environ quarante pièces, peut-être plus, dont la plupart sont assez importantes. Comment envisagez-vous l’avenir de votre collection ? J. P. : C’est exact, j’ai acheté la plupart des objets africains de mon appartement berlinois durant ces deux ou trois dernières années. Je conserve mes acquisitions passées, mais je préfère vivre parmi les plus récentes. Je suis quelqu’un d’assez déterminé, donc quand j’aime des pièces, je veux qu’elles m’entourent. C’est pareil avec l’art contemporain. J’ai tendance à collectionner de manière approfondie – dix à vingt oeuvres plutôt qu’une ou deux peintures d’un artiste que j’admire. Dans le contexte de l’art africain, je trouve très intéressant de former des groupes d’objets d’un type spécifi que, c’est pourquoi j’ai bien l’intention d’ajouter d’autres masques à ma collection de bundu ! Mon objectif est de vivre au sein d’une collection vaste et exceptionnelle. Par contre, je n’ai pas d’idée préconçue quant à sa forme. Aujourd’hui je m’intéresse beaucoup à l’art du Nigeria et j’essaie d’acquérir plus de sculptures issues de cette région, surtout de la vallée de la Benue, du delta du Niger et de la Cross River. Les oeuvres très fortes et expressives m’attirent, d’où mon penchant pour l’art du Cameroun, du Gabon et de la R. D. Congo. L’art africain est un domaine infi ni et on ne cesse jamais d’apprendre. J’ai l’impression d’avoir à peine commencé à bâtir ma collection… Chaque acquisition lui apporte une nouvelle dimension que je n’avais pas forcément prévue. C’est passionnant ! Je tempère quelque peu mes ardeurs en m’entourant d’objets qui sont à la fois intéressants et fascinants. Lorsque je fais l’acquisition de nouvelles oeuvres, qu’elles soient contemporaines ou africaines, je dois leur trouver une place tout en veillant à ne pas troubler l’harmonie générale du lieu. T. A. M. : Vous avez acheté énormément, souvent chez des marchands réputés ou lors de ventes aux enchères haut de gamme. Quels avantages y voyez-vous ? FIG. 9 : Figure debout attribuée au maître de la barbe cunéiforme. Teke, R. D. Congo. Ex-coll. Stephen Chauvet, Paris ; Pierre Vérité, Paris ; Alain de Monbrison, Paris ; Collection privée espagnole ; Galerie Jean-Baptiste Bacquart, Londres. Bois, pigments, textile, et charge magique ou bilongo. Socle de Kichizô Inagaki. H. : 49 cm. Photo : Andrea Rossetti. une approche plus expérimentale. La force des oeuvres du Nigeria, du Cameroun et aujourd’hui du Gabon et de la R. D. Congo m’attire de plus en plus. Un autre changement de taille est le temps que je passe à regarder, étudier et approfondir l’art africain. Je me fais un devoir d’assister aux grandes ventes de Paris et New York, de me rendre à Parcours et à la BRUNEAF et de visiter des galeries et des musées partout en Europe et aux États-Unis. T. A. M. : Vos galeries et votre espace de vie sont très épurés, voire minimalistes, mais l’art africain que vous affectionnez là est en revanche plutôt chargé, avec d’épaisses patines et même des incrustations de sang. Pourquoi ce contraste ? J. P. : Je suis fortement attiré par les objets qui étaient utilisés dans leur contexte d’origine afi n d’exacerber leur impact et leur pouvoir. C’est typiquement le cas de mes sculptures fang,


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