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Une pointe de projectile d’Ishi Un objet particulièrement intéressant et rare a été vendu fi n 2014 par Skinner, Inc. à Boston. Il s’agit d’une pointe de projectile amérindienne exceptionnellement 116 allongée et élégante, façonnée de main de maître dans du verre clair. À peine long de sept centimètres, ce petit objet renvoie à des sociétés en confl it, à un cataclysme culturel et à l’évolution de l’anthropologie en tant que science. Pour saisir sa signifi cation, il faut revenir sur les circonstances dans lesquelles il a été réalisé, ainsi que sur la remarquable histoire de son créateur. Notre analyse commence par la découverte d’or en 1848 dans les contreforts centraux de la Sierra Nevada en Californie. À cette époque, la population de la région était clairsemée, constituée de groupes relativement restreints d’Indiens dont les modes de vie avaient traversé les siècles, voire les millénaires. Ces populations ne ressentaient pratiquement pas la présence des quelques colons espagnols, anglo-américains et d’autres pays d’Europe occupant la Haute Californie, territoire alors sous contrôle mexicain. La découverte d’or entraîna un affl ux massif de chercheurs d’or venant d’Europe, d’Asie et d’autres régions du continent américain. Des dizaines de milliers d’entre eux entrèrent en confl it direct avec la population autochtone pour l’utilisation des terres et des ressources. Une autre conséquence fut l’annexion immédiate de ce territoire aux États-Unis. En 1851, le premier gouverneur américain de Californie, Peter Burnett, reconnut le caractère inévitable de l’éradication de l’État de la totalité de la population autochtone. Des primes furent versées aux milices et aux colons blancs qui apportaient la preuve de la mort d’Indiens. Une grande partie des autochtones non assimilés furent tués ou contraints de se cacher, ce qui causa de nombreuses autres morts. Les survivants furent asservis, intégrés ou placés de force dans des réserves. À la fi n du mois d’août 1911, un homme d’âge moyen, n’ayant plus que la peau sur les os, fut acculé par des chiens dans l’enclos d’un abattoir non loin d’Oroville dans les contreforts du Nord. Il ne parlait ni l’anglais ni l’espagnol et les tentatives de communication dans des langues pratiquées par d’autres résidents autochtones se révélèrent vaines. Bientôt, il ne fi t aucun doute qu’il s’agissait d’un Indien qui n’avait pratiquement jamais eu de Par Sebastian Miller FIG. 1 (PAGE DE DROITE) : Pointe de projectile créée par Ishi, 1911-1914. Ex-coll. Charles Shewey, Kansas City ; Jeb Taylor, Clearmont, Wyoming. Verre. L. : 7,2 cm. Collection privée. Avec l’aimable autorisation de Skinner, Boston. HISTOIRE d’objet FIG. 3 (CI-DESSUS) : Gros titre dans le Sacramento Bee, 29 août 1911. Avec l’aimable autorisation de la California Digital Newspaper Collection. FIG. 4 (À DROITE) : Article du San Francisco Call, 30 août 1911. Avec l’aimable autorisation de la California Digital Newspaper Collection. FIG. 2 (CI-DESSOUS) : Portrait d’Ishi, 1911. Tirage argentique. 29,9 x 43,2 cm. Collection privée. Avec l’aimable autorisation de Skinner, Boston.


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